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12/01/2025

Il faut se résigner et agir

... Consigne pour tous ! Go !

 

 

« A Marie-Louise Denis

[8 juillet 1769]

Je vous écrivis hier, ma chère nièce, au départ du courrier un petit mot fort à la hâte . J’ai passé une partie de la nuit à lire ces lettres à Mme de La Neuville 1, etc., que cette pauvre Duchesne veut imprimer . La première dit, que je déteste cordialement le pape et la cour de Rome . Il n'y a pas d'apparence que je sois jamais canonisé sur ces lettres-là ; il faut être bien damné pour me jouer de pareils tours .

Vous savez que mes papiers sont un peu à l’abandon dans ma bibliothèque . Vous savez qu'on m'en vola beaucoup, vous n'ignorez pas qui les vola 2. J'ai perdu un très gros manuscrit de recherches sur l'histoire de France dont je vois bien qu'on a extrait tout ce qui regarde le parlement . Le voleur a compilé tout à sa mode . Je lui ai encore bien de l'obligation de n'avoir pas mis mon nom à la tête quand il l'a fait imprimer . Tout ce que je vous dis est dans la vérité la plus exacte, et ce qui est bien étrange c'est que je ne puis publier cette vérité parce que je n'en ai point de preuve convaincante, parce que je me ferais un ennemi très dangereux qui serait appuyé par des ennemis plus dangereux encore ; parce qu'ayant été volé, falsifié, et calomnié, je passerai moi-même pour un calomniateur .

Je suis donc très fermement résolu à me justifier sans accuser personne, et non moins résolu à braver toutes les suites de ce mystère d'iniquité malgré mon âge et mes maladies . Je crois qu'il suffit à présent de faire courir tant qu'on pourra, ma lettre à M. Marin 3. Il est surtout nécessaire que notre ami d'Hornoy en distribue plusieurs copies à ses chers confrères, et surtout que les avocats généraux en aient leur provision . Je vous envoie encore deux copies ; il vous sera aisé, ma chère amie, d'en inonder le public ; un écrivain des charniers Saint-Innocent en peut faire cent par jour . Je voudrais bien que Les Guèbres fussent déjà imprimés pour faire diversion dans Paris que milord Bolingbroke appelait la ville causeuse . Il faut se résigner et agir . Je m'en rapporte à votre amitié, et je prends pour ma part la patience . Tout ce que vous me mandez dans votre grande lettre 4 est très vrai . Vous me paraissez bien informée, et ce qui n'est pas moins vrai c'est que vous faites la consolation de ma vie, et que je vous aime bien tendrement . Confiez, je vous prie, aux anges ce que je vous écris. »

1 Le volume qui est pus précisément décrit dans la lettre du 22 juillet 1769 à d'Argental ( http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/09/correspondance-annee-1769-partie-24.html ) ne fut pas publié . Sur le manuscrit de 189 pages passé chez Charavay à la vente Guys le 7 novembre 1860, V* a traité d'"imposteur celui qui a vendu ces lettres à la veuve Duchesne ».

2 La harpe que Mme Denis nomme expressément dans une lettre du 10 août à son oncle : « Je n'ai montré les trois lettres que vous m'avez écrites sur La harpe qu'à M. d'Argental et à mon neveu, comme vous me l'aviez recommandé . Quand vous viendrez à Paris vous verrez que cela est suffisant . Je n'ai pas vu La Harpe quatre fois depuis que je suis ici . Comme vous m'avez dit sans cesse que c’était lui qui était cause de notre séparation, que je n'y ai rien compris et que je n'y comprends rien encore, tout cela m'a fait une telle impression que je l'ai prié de ne me pas voir . »

4Lettre du 25 juin qui n'est pas connue .

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