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03/10/2025

Vous avez trouvé le secret d’être le défenseur, le législateur, l’historien, et le précepteur de votre royaume

... Et c'est bien là la principale critique des opposants à Emmanuel Macron Ier qui n'admettent pas autant de qualités [sic] à notre président . Tant pis . Qu'ils patientent encore quelques mois pour tenter de faire mieux que lui ; ça leur fera tout drôle de n'avoir qu'une majorité relative; on sent déjà du 49-3 en leur réserve .

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

À Ferney, 27 avril [1770] 1

Sire,

Quand vous étiez malade, je l’étais bien aussi, et je faisais même tout comme vous de la prose et des vers, à cela près que mes vers et ma prose ne valaient pas grand -chose ; je conclus que j’étais fait pour vivre et mourir auprès de vous, et qu’il y a eu malentendu si cela n’est pas arrivé.

Me voilà capucin pendant que vous êtes jésuite ; c’est encore une raison de plus qui devait me retenir à Berlin ; cependant on dit que frère Ganganelli a condamné mes œuvres 2, ou du moins celles que les libraires vendent sous mon nom.

Je vais écrire à Sa Sainteté que je suis un très bon catholique, et que je prends Votre Majesté pour mon répondant.

Je ne renonce point du tout à mon auréole ; et comme je suis près de mourir d’une fluxion de poitrine, je vous prie de me faire canoniser au plus vite : cela ne coûtera que cent mille écus ; c’est marché donné.

Pour vous, sire, quand il faudra vous canoniser, on s’adressera à Marc-Aurèle. Vos Dialogues 3 sont tout à fait dans son goût comme dans ses principes ; je ne sais rien de plus utile. Vous avez trouvé le secret d’être le défenseur, le législateur, l’historien, et le précepteur de votre royaume ; tout cela est pourtant vrai : je défie qu’on en dise autant de Moustapha. Vous devriez bien vous arranger pour attraper quelques dépouilles de ce gros cochon : ce serait rendre service au genre humain.

Pendant que l’empire russe et l’empire ottoman se choquent avec un fracas qui retentit jusqu’aux deux bouts du monde, la petite république de Genève est toujours sous les armes ; mon manoir est rempli d’émigrants qui s’y réfugient. La ville de Jean Calvin n’est pas édifiante pour le moment présent.

Je n’ai jamais vu tant de neige et tant de sottises. Je ne verrai bientôt rien de tout cela, car je me meurs.

Daignez recevoir la bénédiction de frère François, et m’envoyer celle de saint Ignace.

Restez un héros sur la terre, et n’abandonnez pas absolument la mémoire d’un homme dont l’âme a toujours été aux pieds de la vôtre. »

1 Ed. Kehl . Charrot semble faire preuve d'hypercritique en soutenant que cette lettre est composée d'extraits des lettres du 4 mai et du 8 juin 1770 . La présente lettre ne répond pas à celle du 24 mai 1770 de Frédéric . Elle répond à celle du 6 avril 1770 :

« Potsdam 6 avril 1770


De Chaulieu l’épicurien
Je n’eus point en don le génie ;
Mais la goutte qui me retient
Sur mon grabat à l’agonie,
Vient par sa généalogie
De la même dont fut atteint
Cet aimable Sybaritain.
Je vois que par détail il faut quitter la vie
Ou plus tôt ou plus tard ; les ressorts sont usés :
L’un ne digère plus, l’autre a les yeux blessés ;
De sourds et de perclus la gente moribonde
Transportent en ballots par bonne occasion
Leur gros bagage en l’autre monde,
Jusqu’à la dissolution
Qui rassemble le tout dans le séjour immonde.
Pour moi, je sens déjà crouler le bâtiment,
Mes pieds estropiés perdent leur mouvement ;
Couvert de mes débris, je me fais une fête
Que de maux conjurés l’implacable tempête,
Par hasard jusqu’en ce moment,
Ait encore épargné ma tête.

Mes maux m’ont empêché de répondre à votre charmante lettre. Les sons de votre lyre se sont fait entendre dans le Tartare, où j’étais à la gêne ; ils ont fléchi les tyrans qui m’opprimaient ; ils m’ont rendu à la vie, comme autrefois Orphée sut délivrer Eurydice. Le premier usage que je fais de ma convalescence est de remercier l’Orphée ou l’Apollon qui me l’a procurée, et de lui envoyer en tribut une faible production de malade. J’attends le retour de mes forces pour vous en dire davantage, en implorant la nature pour qu’elle conserve la seule colonne du Parnasse qui nous reste, et ce bras armé du foudre de la raison, qui a écrasé la superstition et le fanatisme.

« Potsdam ce 6 avril 1770

« A propos j'apprends que les capucins vous ont choisi pour leur protecteur et que vous devenez père Pediculoso . Je ne vous le cède pas car les jésuites « mont pris pour le leur et si je les soutiens chez moi saint Ignace et saint Xavier n'ont qu'à trembler que je ne fourre dans leur niche que saint Voltaire et saint Frédéric.

« Frédéric. »

Du reste la minute de la lettre du 8 juin 1770 nous est parvenue, on la verra plus tard .

2 Effectivement , dans un bref daté du 1er mars 1770 ; voir baron Ludwig von Pastor , Geschichte der Päpste , 1932, X, II, 320.

3 On trouve dans les Œuvres posthumes de Frédéric II trois dialogues. Les interlocuteurs sont, pour le premier, le prince Eugène, Marlborough et le prince de Lichtenstein ; pour le second, le duc de Choiseul, Struensée et Socrate. Le troisième est le dialogue intitulé Marc-Aurèle et un Récollet : il est de Voltaire ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome23.djvu/489

Les Œuvres primitives de Frédéric contiennent un Dialogue de morale à l’usage de la jeune noblesse ; et c’est de celui-ci que parle ici Voltaire.

Voir lettre du même jour à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/10/01/il-y-a-beaucoup-de-turpitude-dans-toute-cette-affaire.html

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