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22/03/2012

Les petits estomacs ont grande confiance en lui

 

petits estomacs.jpg

http://www.youtube.com/watch?v=Me_5tU3O9Gk&feature=related

 

 

 

 

« A madame de FONTAINE.

Aux Délices, 6 septembre [1755]

Je suis pénétré de tout ce que vous faites, ma très-chère nièce. On a travaillé, pendant mon absence, à rendre la pièce 1 moins indigne du public; on a pu la raccommoder, on a pu la gâter: cela prouve qu'il ne faut jamais donner des tragédies de si loin, et que les absents ont tort. Il est certain que, si l'on imprimait la pièce dans l'état où elle est aux représentations, on la sifflerait à la lecture, mais c'est le moindre des chagrins qu'il faut que j'essuie. Ils sont bien adoucis par vos soins, par vos bontés, par votre amitié. M. Delaleu 2 payera, sur vos ordres, les copies 3 que vous faites faire pour moi.

Tout ce que je demande, c'est qu'on me laisse mourir tranquille dans l'asile que j'ai choisi, et que je puisse vous y embrasser avant de mourir.

Nous avons ici un médecin 4 beau comme Apollon et savant comme Esculape. Il ne fait point la médecine comme les autres. On vient de cinquante lieues à la ronde le consulter. Les petits estomacs ont grande confiance en lui. Ce sera, je crois, votre affaire, si jamais vous avez le courage et la force de passer nos montagnes.

Votre sœur ne m'a avoué qu'aujourd'hui sa tracasserie avec Chimène 5. Cette nouvelle horreur d'elle me plonge dans un embarras dont je ne peux plus me tirer. Je suis trop malade et trop accablé pour travailler à notre Orphelin; je me résigne à ma triste destinée, et je vous aime de tout mon cœur.

Votre frère 6 a écrit une lettre charmante à sa sœur; il a bien de l'esprit, et l'esprit bien fait. J'embrasse votre fils 7, qui sera tout comme lui. »

 

1 L'Orphelin de la Chine .

2 Notaire de V* à Paris .

3 De la Pucelle, telle que Voltaire l'avait composée. (CL.)

4 Théodore Tronchin, dont Voltaire parla toujours avec le langage de l'amitié.

5 Le marquis de Ximenès qui a dérobé le manuscrit de La Guerre de 1741 avec, semble-t-il, la complicité ou la négligence de Mme Denis .

6 Alexandre -Jean des Aunais, connu comme abbé Mignot, avocat et conseiller-clerc au Grand Conseil .

7 Alexandre d'Hornoy.

 

je n'aspire pas à nous rétablir dans notre bêtise, quoique je regrette beaucoup, pour ma part, le peu que j'en ai perdu

 La bêtise revendiquée comme un bien , ça ne m'étonne pas de ce JJR qui n'est toujours pas capable de m'émouvoir . Si je peux le rassurer, à titre posthume, sa dose de bêtise est restée d'un niveau très honorable .

2012 est pour moi une année grise puisqu'on fête le tricentenaire de cet aigre-pisseux .

Me qualifie de "grimaud" qui voudra ! je m'en soucie comme des premieres couches du petit Genevois . 

 

 

 

« DE J.-J. ROUSSEAU.

Paris, le 10 septembre [1755].

C'est à moi, monsieur, de vous remercier à tous égards. En vous offrant l'ébauche de mes tristes rêveries, je n'ai point cru vous faire un présent digne de vous, mais m'acquitter d'un devoir et vous rendre un hommage que nous vous devons tous comme à notre chef. Sensible, d'ailleurs, à l'honneur que vous faites à ma patrie, je partage la reconnaissance de mes concitoyens et j'espère qu'elle ne fera qu'augmenter encore, lorsqu'ils auront profité des instructions que vous pouvez leur donner. Embellissez l'asile que vous avez choisi; éclairez un peuple digne de vos leçons; et vous, qui savez si bien peindre les vertus et la liberté, apprenez-nous à les chérir dans nos murs comme dans vos écrits. Tout ce qui vous approche doit apprendre de vous le chemin de la gloire.

Vous voyez que je n'aspire pas à nous rétablir dans notre bêtise, quoique je regrette beaucoup, pour ma part, le peu que j'en ai perdu. A votre égard, monsieur, ce retour serait un miracle si grand à la fois, et si nuisible, qu'il n'appartiendrait qu'à Dieu de le faire, et qu'au diable de le vouloir. Ne tentez donc pas de retomber à quatre pattes; personne au monde n'y réussirait moins que vous. Vous nous redressez trop bien sur nos deux pieds, pour cesser de vous tenir sur les vôtres.

Je conviens de toutes les disgrâces qui poursuivent les hommes célèbres dans les lettres; je conviens même de tous les maux attachés à l'humanité, et qui semblent indépendants de nos vaines connaissances. Les hommes ont ouvert sur eux-mêmes tant de sources de misères que, quand le hasard en détourne quelqu'une, ils n'en sont guère moins inondés. D'ailleurs il y a, dans le progrès des choses, des liaisons cachées que le vulgaire n'aperçoit pas, mais qui n'échapperont point à l'œil du sage quand il y voudra réfléchir. Ce n'est ni Térence, ni Cicéron. ni Virgile, ni Sénèque, ni Tacite; ce ne sont ni les savants ni les poètes qui ont produit les malheurs de Rome et les crimes des Romains; mais sans le poison lent et secret qui corrompit peu à peu le plus vigoureux gouvernement dont l'histoire ait fait mention, Cicéron, ni Lucrèce, ni Salluste, n'eussent point existé, ou n'eussent point écrit. Le siècle aimable de Lélius et de Térence amenait de loin le siècle brillant d'Auguste et d'Horace, et enfin les siècles horribles de Sénèque et de Néron, de Domitien et de Martial. Le goût des lettres et des arts nait chez un peuple d'un vice intérieur qu'il augmente; et s'il est vrai que tous les progrès humains sont pernicieux à l'espèce, ceux de l'esprit et des connaissances qui augmentent notre orgueil et multiplient nos égarements accélèrent bientôt nos malheurs. Mais il vient un temps où le mal est tel que les causes mêmes qui l'ont fait naitre sont nécessaires pour l'empêcher d'augmenter; c'est le fer qu'il faut laisser dans la plaie, de peur que le blessé n'expire en l'arrachant.

Quant à moi, si j'avais suivi ma première vocation, et que je n'eusse ni lu ni écrit, j'en aurais sans doute été plus heureux. Cependant, si les lettres étaient maintenant anéanties, je serais privé du seul plaisir qui me reste. C'est dans leur sein que je me console de tous mes maux; c'est parmi ceux qui les cultivent que je goûte les douceurs de l'amitié, et que j'apprends à jouir de la vie sans craindre la mort. Je leur dois le peu que je suis, je leur dois même l'honneur d'être connu de vous. Mais consultons l'intérêt dans nos affaires, et la vérité dans nos écrits. Quoiqu'il faille des philosophes, des historiens, des savants, pour éclairer le monde et conduire ses aveugles habitants, si le sage Memnon m'a dit vrai, je ne connais rien de si fou qu'un peuple de sages.

Convenez-en, monsieur, s'il est bon que les grands génies instruisent les hommes, il faut que le vulgaire reçoive leurs instructions; si chacun se mêle d'en donner, qui les voudra recevoir? « Les boiteux, dit Montaigne 1, sont mal propres aux exercices du corps; et aux exercices de l'esprit, les âmes boiteuses. » Mais, en ce siècle savant, on ne voit que boiteux vouloir apprendre à marcher aux autres.
Le peuple reçoit les écrits des sages pour les juger, non pour s'instruire.
Jamais on ne vit tant de Dandins, le théâtre en fourmille, les cafés retentissent de leurs sentences, ils les affichent dans les journaux, les quais sont couverts de leurs écrits; et j'entends critiquer l'Orphelin, parce qu'on l'applaudit, à tel grimaud si peu capable d'en voir les défauts qu'à peine en sent-il les beautés.

Recherchons la première source des désordres de la société, nous trouverons que tous les maux des hommes leur viennent de l'erreur bien plus que de l'ignorance, et que ce que nous ne savons point nous nuit beaucoup moins que ce que nous croyons savoir. Or quel plus sûr moyen de courir d'erreurs en erreurs, que la fureur de savoir tout Si l'on n'eût prétendu savoir que la terre ne tournait pas, on n'eût point puni Galilée pour avoir dit qu'elle tournait. Si les seuls philosophes en eussent réclamé le titre, l'Encyclopédie n'eût point eu de persécuteurs. Si cent mirmidons n'aspiraient à la gloire, vous jouiriez en paix de la vôtre, ou du moins vous n'auriez que des rivaux dignes de vous.

Ne soyez donc pas surpris de sentir quelques épines inséparables des fleurs qui couronnent les grands talents. Les injures de vos ennemis sont les acclamations satiriques qui suivent le cortège des triomphateurs, c'est l'empressement du public pour tous vos écrits qui produit les vols dont vous vous plaignez; mais les falsifications n'y sont pas faciles, car le fer ni le plomb ne s'allient pas avec l'or. Permettez-moi de vous le dire, par l'intérêt que je prends à votre repos et à notre instruction; méprisez de vaines clameurs par lesquelles on cherche moins à vous faire du mal qu'à vous détourner de bien faire. Plus on vous critiquera, plus vous devez vous faire admirer. Un bon livre est une terrible réponse à des injures imprimées; et qui vous oserait attribuer des écrits que vous n'aurez point faits, tant que vous n'en ferez que d'inimitables?

Je suis sensible à votre invitation; et si cet hiver me laisse en état d'aller, au printemps, habiter ma patrie, j'y profiterai de vos bontés. Mais j'aimerais mieux boire de l'eau de votre fontaine que du lait de vos vaches; et quant aux herbes de votre verger, je crains bien de n'y en trouver d'autres que le lotos 2, qui n'est pas la pâture des bêtes, et le moly, qui empêche les hommes de le devenir .

Je suis de tout mon cœur et avec respect, etc. »

2 Le lotos croissait dans une île dont les habitants s'appelaient Lotophages, parce qu'ils se nourrissaient de lotos. Homère en fait un mets si délicieux que les dieux de l'Olympe en goûtaient avec plaisir; les compagnons d'Ulysse n'en voulaient plus d'autre. Le moly préserva Ulysse de l'influence de Circé. Nos botanistes ont désenchanté ces plantes merveilleuses. La dernière est une espèce d'ail. Le lotos est moins déchu: c'est un petit arbre vert d'un aspect agréable; mais il a perdu son rang et ses propriétés. (Note de Musset-Pathay.) http://fr.wiktionary.org/wiki/lotos

 

21/03/2012

On n'a jamais employé tant d'esprit à vouloir nous rendre bêtes, il prend envie de marcher à quatre pattes

 

jj le tristounet.jpg

 

 

 

« A M. Jean-Jacques ROUSSEAU 1

A PARIS.

30 août [1755]

J'ai reçu, monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain 2; je vous en remercie. Vous plairez aux hommes, à qui vous dites leurs vérités, mais vous 3 ne les corrigerez pas. On ne peut peindre avec des couleurs plus fortes les horreurs de la société humaine, dont notre ignorance et notre faiblesse se promettent tant de consolations. On n'a jamais employé tant d'esprit à vouloir nous rendre bêtes, il prend envie de marcher à quatre pattes 4, quand on lit votre ouvrage. Cependant, comme il y a plus de soixante ans que j'en ai perdu l'habitude, je sens malheureusement qu'il m'est impossible de la reprendre, et je laisse cette allure naturelle à ceux qui en sont plus dignes que vous et moi. Je ne peux non plus m'embarquer pour aller trouver les sauvages du Canada premièrement, parce que les maladies 5 dont je suis accablé me retiennent auprès du plus grand médecin de l'Europe, et que je ne trouverais pas les mêmes secours chez les Missouris; secondement, parce que la guerre est portée dans ces pays-là 6, et que les exemples de nos nations ont rendu les sauvages presque aussi méchants que nous. Je me borne à être un sauvage paisible dans la solitude que j'ai choisie auprès de votre patrie 7, où vous devriez être.

Je conviens 8 avec vous que les belles-lettres et les sciences ont causé quelquefois beaucoup de mal. Les ennemis du Tasse firent de sa vie un tissu de malheurs; ceux de Galilée le firent gémir dans les prisons, à soixante et dix ans, pour avoir connu le mouvement de la terre; et ce qu'il y a de plus honteux, c'est qu'ils l'obligèrent à se rétracter 9. Dès que vos amis eurent commercé le Dictionnaire encyclopédique, ceux qui osèrent être leurs rivaux les traitèrent de déistes, d'athées, et même de jansénistes. Si j'osais me compter parmi ceux dont les travaux n'ont eu que la persécution pour récompense, je vous ferais voir 10 des gens acharnés à me perdre du jour que je donnai la tragédie d'Œdipe; une bibliothèque de calomnies ridicules imprimées 11 contre moi; un prêtre ex-jésuite 12, que j'avais sauvé du dernier supplice, me payant par des libelles diffamatoires du service que je lui avais rendu un homme 13, plus coupable encore, faisant imprimer mon propre ouvrage du Siècle de Louis XIV avec des notes 14 dans lesquelles la plus crasse ignorance vomit les plus infâmes impostures; un autre, qui vend à un libraire 15 quelques chapitres d'une prétendue Histoire universelle, sous mon nom le libraire assez avide pour imprimer ce tissu informe de bévues, de fausses dates, de faits et de noms estropiés; et enfin des hommes assez lâches et assez méchants 16 pour m'imputer la publication de cette rapsodie 17. Je vous ferais voir la société infectée de ce genre d'hommes inconnu à toute l'antiquité, qui, ne pouvant embrasser une profession honnête, soit 18 de manœuvre, soit de laquais, et sachant malheureusement lire et écrire, se font courtiers de littérature 19, vivent de nos ouvrages, volent des manuscrits, les défigurent, et les vendent. Je pourrais me plaindre que 20 des fragments d'une plaisanterie faite, il y a près de trente ans, sur le même sujet que Chapelain eut la bêtise de traiter sérieusement, courent 21 aujourd'hui le monde par l'infidélité et 22 l'avarice de ces malheureux qui ont mêlé leurs grossièretés à ce badinage, qui en ont rempli les vides avec autant de sottise que de malice, et qui enfin, au bout de trente ans, vendent partout en manuscrit ce qui n'appartient qu'à eux, et qui n'est digne que d'eux. J'ajouterais qu'en dernier lieu on 23 a volé une partie des matériaux que j'avais rassemblés dans les archives publiques pour servir à l'Histoire de la Guerre de 1741, lorsque j'étais historiographe de France; qu'on 24 a vendu à un libraire de Paris ce fruit de 25 mon travail; qu'on se saisit à l'envi de mon bien, comme si j'étais déjà mort, et qu'on le dénature pour le mettre à l'encan. Je vous peindrais l'ingratitude, l'imposture et la rapine, me poursuivant depuis quarante ans jusqu'au pied des Alpes, jusqu'au bord de mon tombeau 26. Mais que conclurai-je de toutes ces tribulations ? Que je ne dois pas me plaindre; que Pope, Descartes, Bayle, le Camoens, et cent autres, ont essuyé les mêmes injustices, et de plus grandes; que cette destinée est celle de presque tous ceux que l'amour des lettres a trop séduits.

Avouez en effet, monsieur, que ce sont là de ces petits malheurs particuliers dont à peine la société s'aperçoit. Qu'importe au genre humain que quelques frelons pillent le miel de quelques abeilles ?
Les gens de lettres font grand bruit de toutes ces petites querelles, le reste du monde ou les ignore ou en rit.

De toutes les amertumes répandues sur la vie humaine, ce sont là les moins funestes. Les épines attachées à la littérature et à un peu de réputation ne sont que des fleurs en comparaison des autres maux qui, de tout temps, ont inondé la terre. Avouez que ni Cicéron 27, ni Varron, ni Lucrèce, ni Virgile, ni Horace, n'eurent la moindre part aux proscriptions. Marius était un ignorant le barbare Sylla, le crapuleux Antoine, l'imbécile Lépide, lisaient peu Platon et Sophocle; et pour ce tyran sans courage, Octave Cépias, surnommé si lâchement Auguste, il ne fut un détestable assassin que dans le temps où il fut privé de la société des gens de lettres.

Avouez que Pétrarque et Boccace ne firent pas naître les troubles de l'Italie; avouez que le badinage de Marot n'a pas produit la Saint-Barthélemy, et que la tragédie du Cid ne causa pas les troubles 28 de la Fronde. Les grands crimes n'ont guère 29 été commis que par de célèbres ignorants. Ce qui fait et fera toujours de ce monde une vallée de larmes, c'est l'insatiable cupidité et l'indomptable orgueil des hommes, depuis Thomas Kouli-kan, qui ne savait pas lire, jusqu'à un commis de la douane, qui ne sait que chiffrer. Les lettres nourrissent l'âme, la rectifient, la consolent 30. elles vous servent, monsieur, dans le temps que vous écrivez contre elles; vous êtes comme Achille, qui s'emporte contre la gloire, et comme le père Malebranche, dont l'imagination brillante écrivait contre l'imagination 31.

Si quelqu'un doit se plaindre de lettres, c'est moi, puisque, dans tous les temps et dans tous les lieux, elles ont servi à me persécuter; mais il faut les aimer malgré l'abus qu'on en fait, comme il faut aimer la société dont tant d'hommes méchants corrompent les douceurs, comme il faut aimer sa patrie, quelques injustices qu'on y essuie 32 comme il faut aimer et servir l'Être suprême, malgré les superstitions et le fanatisme qui déshonorent si souvent son culte.

M. Chappuis m'apprend que votre santé est bien mauvaise; il faudrait la venir rétablir dans l'air natal, jouir de la liberté, boire avec moi du lait de nos vaches, et brouter nos herbes. Je suis très-philosophiquement et avec la plus tendre estime, etc. »

 

1 Cette lettre fut d'abord imprimée dans la première édition de l'Orphelin de la Chine, qui est de septembre 1755. Mais ce fut sur une copie différente, et sans doute manuscrite, que fut faite l'impression dans le Mercure d'octobre 1755, page 124; elle fut reproduite, avec les différences, dans le Mercure de novembre 1755, page 56. Un texte différent est dans le Portefeuille trouvé (voyez la note, tome VI, page 337). Les éditions in-4° (1768), encadrée (1775), et de Kehl, ne présentent pas le même texte. Je crois que les éditeurs de Kehl ont fondu de leur mieux les
différentes versions. Il eût mieux valu sans doute s'arrêter au texte de 1755, dernière édition du vivant de l'auteur, et donner en notes les variantes. Mais elles sont en si grande quantité que, pour le plus grand nombre des lecteurs, c’eût été trop fastidieux. C'est par cette raison que je n'ai pu me déterminer à reproduire toutes les variantes. J'en donne peut-être trop; mais j'avertis (on peut et m'excuser et me blâmer également de cela) que je ne les donne pas toutes. (B.)
La réponse de J.J. Rousseau est du 10 septembre :
 http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/03/22/je-n-aspire-pas-a-nous-retablir-dans-notre-betise-quoique-je.html

 

 

3 Variante et vous .

 

4 C'est ainsi que Palissot fit marcher Rousseau dans la comédie des Philosophes. Voir : Lettres du 1er décembre 1755 et du 4 juin 1760, à Palissot.

 

5 VAR. : maladies auxquelles je suis condamné me rendent un médecin d'Europe nécessaire; secondement.

 

6 VAR : ce pays-là.

 

7 VAR. : votre patrie, où vous êtes tant désiré.

 

8 VAR. J'avoue avec vous.

 

9 VAR. : se rétracter. Vous savez quelles traverses vos amis essuyèrent quand ils commencèrent cet ouvrage aussi utile qu'immense de l’Encyclopédie, auquel vous avez tant contribué. Si j'osais, etc.

 

10 VAR. : voir une troupe de misérables acharnés.

 

11 VAR. imprimée.

 

12 L'abbé Desfontaines.

 

13 La Beaumelle.

 

14 VAR. Des notes où la plus crasse ignorance débite les calomnies les plus effrontées un autre.

 

15 VAR :Vend à un libraire une prétendue Histoire universelle.

 

16 VAR. et le libraire assez avide, assez sot pour, etc.

 

17 VAR : pour m'imputer cette rapsodie.

 

18 VAR. soit de laquais, soit de manœuvres.

 

19 VAR. de la littérature, volent des manuscrits.

 

20 VAR. qu'une plaisanterie.

 

21 VAR. court.

 

22 VAR. et l'infâme avarice de ces malheureux qui l'ont défigurée avec autant de sottise que de malice, et qui, au bout de trente ans, vendent partout cet ouvrage, lequel certainement n'est pas le mien, et qui est devenu le leur.

 

23 VAR. on a osé fouiller dans les archives les plus respectables, et y voler une partie des mémoires que j'y avais mis en dépôt lorsque j'étais.

 

24 VAR. et qu'on a vendu.

 

25 VAR. de mes travaux. Je vous peindrais.

 

26 VAR. tombeau. Mais, monsieur, avouez aussi que ces épines attachées à la littérature et à la réputation ne sont, etc.

 

27 VAR. ni Cicéron, ni Lucrèce, ni Virgile, ni Horace, ne furent les auteurs des proscriptions de Marius, de Sylla, de ce débauché d'Antoine, de cet imbécile Lépide, de ce tyran sans courage Octave Cépias, surnommé si lâchement Auguste. Avouez que le badinage, etc.

 

28 VAR. les guerres de la Fronde.

 

29 VAR n'ont été.

 

30 VAR. la consolent; et elles font même votre gloire dans le temps que vous écrivez contre elles. Vous êtes comme Achille.

 

31 Dans le Mercure d'octobre 1755, immédiatement après le mot imagination, vient l'alinéa qui commence par ces mots: M. Chappuis, etc.

 

32 C'est ici que finissait la lettre dans l'édition qui est à la suite de l'Orphelin de la Chine, Paris, Lambert, 1755, in-12. Ce qui termine l'alinéa fut ajouté en 1756. (B.)

 

c'est d'ailleurs un voleur public

 

Quand Volti fâché, Volti faire ainsi !!

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« A M. BERRYER,

lieutenant général de police.

Aux Délices, 30 août [1755]

Monsieur, je crois devoir avoir l'honneur de vous envoyer la copie de la lettre que j'écris aux syndics de la librairie, c'est une affaire dont j'ai déjà informé M. d'Argenson, et que je recom-
mande à votre protection et à votre justice, avec les instances les plus pressantes.
Je dois aussi, monsieur, vous donner avis qu'il y a dans Paris un réfugié, nommé Grasset, fort connu de Corbi, et qui est en relation avec les libraires. Il montre partout votre contre-seing, et il s'en sert, ainsi que de celui de M. le comte d'Argenson, pour son commerce frauduleux; c'est d'ailleurs un voleur public. Chassé en dernier lieu de Genève, il n'échappera pas à vos lumières et à votre vigilance, s'il est encore à Paris. Il est connu de plusieurs libraires. Il va à Marseille. C'est tout ce que j'en sais pour le présent.
Permettez-moi de vous renouveler les assurances du dévouement respectueux avec lequel je serai toujours, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur. »

 

Mais quand lama pas fâché, lui être ainsi :

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La librairie, messieurs, est en France un établissement trop noble pour que je ne vous prie pas de vous joindre à moi, afin d'empêcher qu'on ne l'avilisse.

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Le Salon du Livre est-il une manifestation trop "élitiste"(?)  pour qu'un homme aussi "simple" et discret que (Demi) maitre Sarko daigne y mettre les pieds ?

Enfin ,  ce que je ressent , c'est cette lâcheté qui lui fait préfèrer le Salon de l'Agriculture pour la chassse aux voix plutôt que d'afficher son infériorité culturelle . Eh bien ! qu'il continue à faire rédiger ses discours par son nègre préféré Guaino et qu'il soit encore pour quelques semaines le pourvoyeur de bourdes et bévues pour les Guignols de Canal + quand par malheur/bonheur il se lance dans l'improvisation . Et dire qu'il est avocat  ! ça fait peur !!

 

 

 

« A MM. les syndics de la librairie.

30 août [1755]

La librairie, messieurs, est en France un établissement trop noble pour que je ne vous prie pas de vous joindre à moi, afin d'empêcher qu'on ne l'avilisse.
J'apprends deux choses contraires à tous vos règlements, la première, qu'un imprimeur, nommé le sieur Prieur, a acheté, à ce qu'il dit, une partie des mémoires que j'avais composés dans les bureaux des ministres pour servir un jour à l'histoire des plus glorieux événements du règne du roi. Je déclare que ces mémoires informes, qui ont été volés dans les dépôts respectables où je les avais laissés, ne sont point faits pour voir le jour.
La deuxième prévarication dont on me menace est l'impression d'un ouvrage impertinent, composé par quelques jeunes gens sans goût et sans mœurs sur un ancien canevas que j'avais fait, il y a plus de trente ans, il est intitulé la Pucelle d'Orléans. Les fragments de cette indigne rapsodie, qui courent sous mon nom dans Paris, m'ont été envoyés; ils déshonoreraient la librairie. Je vous fais les plus vives instances pour prévenir le débit de toutes ces œuvres de ténèbres. Quand je veux faire imprimer quelques ouvrages de moi, j'en fais hautement présent aux libraires. L'honneur des lettres et la justice exigent qu'on n'imprime pas ce que je ne veux pas donner, et encore moins ce que je n'ai pas fait. J'attends ce service de vous.
Je suis avec zèle, messieurs, votre très-humble et très-obéissant serviteur. »

 

 

19/03/2012

Prenez votre provision de plaisir, et revenez quand vous n'aurez rien de mieux à faire

 

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« A M. COLINI

à PARIS.

Aux Délices, 29 août [1755]

Laissez là le Prieur et toutes ses pauvretés et quand vous serez rassasié de Paris, mandez-le-moi, mon cher Colini, je vous enverrai un petit mandement 1. Vous ne m'avez point parlé de votre Florentine; je ne sais comment elle en a usé avec vous. Vous ne me parlez que de Chinois; je souhaite qu'ils vous amusent; mais je crois que vous avez trouvé, à Paris, de quoi vous amuser davantage, et que vous trouvez à présent mes Délices assez peu délicieuses, et la solitude fort triste pour un Florentin de votre âge. Prenez votre provision de plaisir, et revenez quand vous n'aurez rien de mieux à faire.
Je vous embrasse.

V.

Un Scarselli 2 m'a envoyé un gros tome de ses tragédies, aviez- vous entendu parler de ce Scarselli ? »

 

1 Ce mandement de Voltaire était un mandat que l'auteur de l'Orphelin offrait à son secrétaire, sur son notaire, ou quelque banquier, à Paris. (CL.)

 

je suis vexé de tous côtés depuis un mois

 

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« A M. le comte d'ARGENTAL

Aux tristes Délices, 29 août [1755] 1

Mon divin ange, je reçois votre lettre du 21 je commence par les pieds de Mme d'Argental, et je les baise, avec votre permission, enflés ou non. J'espère même qu'ils pourront la conduire à la Chine, et qu'elle entendra Lekain, ce qui est, dit-on, très-difficile. On prétend qu'il a joué un beau rôle muet 2; mais, mon cher et respectable ami, je ne suis touché que de vos bontés; je les sens mille fois plus vivement que je ne sentirais le succès le plus complet. Les magots chinois iront comme ils pourront; on les brisera, on les cassera, on les mettra sur sa cheminée ou dans sa garde-robe, on en fera ce qu'on voudra; mon cœur est flétri, mon esprit lassé, ma tête épuisée. Je ne puis, dans mes violents chagrins, que vous faire les plus tendres remerciements. C'est vous qui avez prévenu le mal. Vous avez été à cent lieues mon véritable ange gardien. Ce Grasset, ce maudit Grasset, est un des plus insignes fripons qui infectent la littérature. J'ai essuyé un tissu d'horreurs. Enfin ce misérable,
chassé d'ici, s'en est allé avec son manuscrit infâme, et on ne sait plus où le prendre. Je n'ai jamais vu de plus artificieux et de plus effronté coquin.
A l'égard de cet autre animal de Prieur, qui dispose insolemment de mon bien, sans daigner seulement m'en avertir, j'ai écrit à Mme de Pompadour et à M. d'Argenson. L'un ou l'autre a été volé, et il leur doit importer de savoir par qui d'ailleurs, il s'agit de la gloire du roi, et ni l'un ni l'autre ne seront indifférents. Enfin, mon cher ange, je suis vexé de tous côtés depuis un mois. La rapine et la calomnie me sont venues assaillir au pied des Alpes dans ma solitude. Où fuir? il faudra donc aller trouver l'empereur de la Chine. Encore trouverai-je là des jésuites qui me joueront quelque mauvais tour. Ma santé n'a pas résisté à toutes ces secousses. Il ne me reste de sentiment que pour vous aimer, je suis abasourdi sur tout le reste. Adieu pardonnez-moi, je ne sais plus où j'en suis. Adieu; votre amitié sera toujours ma consolation la plus chère. Je baise très-douloureusement les ailes de tous les anges. »

1 Après les « prétendues » Délices comme il les nomme les 23 et 26 août .

2 Le 20 août , première représentation de l'Orphelin de la Chine .