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17/04/2010

Je veux que vous soyez heureuse quand j’ai renoncé à l’être

 

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 Un Toutou vaporeux qui est là pour sucer la poussière du volcan islandais !

Combien pour ce chien qui s'illumine ? aurait pu chanter Line Renaud .

Thierry Le Luron en a fait des tonnes pour se moquer gentiment de Line l'Inoxydable ! http://www.youtube.com/watch?v=mrFoi10LlKw&feature=re...

Certes il ne dit pas comme Volti : "Mais vous êtes encore à un âge à goûter tous les plaisirs de la société " , mais le rire qu'il déclenche est élixir de longue vie .

 

 

 

 

 

 

 

« A Marie-Louise Denis

 

17è avril 1769

 

             Je reçois, ma chère nièce, votre lettre du 7 avril. Je suis bien aise que M. de Lézeau vous ait tenu parole pour le passé. Mais il vous doit, je crois actuellement deux années, ou une au moins, en son  propre et privé nom ; c’est ce que vous pourrez aisément vérifier. J’espère que vous ne serez pas moins contente de M. de Richelieu. Je veux que vous soyez heureuse quand j’ai renoncé à l’être. J’ai encore une petite fièvre toutes les nuits, qui est peut-être plus dangereuse que les onze ou douze accès violents que j’ai essuyés. Je n’ai fait aucune difficulté de communier dans mon lit lorsque j’étais en danger. Il y a une très grande différence entre nos philosophes se portant bien qui dédaignent dans Paris une cérémonie inutile et un vieillard malade qui est malheureusement célèbre, qui doit ne pas révolter les barbares dont il est environné, qui est forcé d’imposer silence à un évêque ultramontain, fanatique et persécuteur [Jean-Pierre Biord avec qui il eut une querelle à propos de cette communion et qui ne fut pas accompagnée de la profession de foi attendue], qui doit surtout éviter un scandale désagréable pour sa famille, et pour l’Académie française dont il est membre. J’ai donné même un exemple que tout bon citoyen suivra peut-être. J’ai déclaré que je voulais mourir et que j’avais toujours vécu dans la religion de mon roi et de ma patrie, laquelle fait partie des lois de l’Etat. C’est la déclaration d’un honnête homme ; elle fait taire le fanatisme, et ne peut irriter la philosophie. Je trouve Boindin très ridicule de n’avoir point voulu soumettre aux lois de son pays. Qu’a-t-il gagné par cette opiniâtreté ? Il a fait de la peine à sa famille, et il a été jeté à la voirie [Nicolas Boindin (1676-1751), athée, ne s’étant pas rétracté n’a pas eu de sépulture religieuse].

 

             Je présume que je pourrai vivre encore jusqu’à l’hiver prochain. Vous trouverez alors le Châtelard bien bâti [construction de granges au Châtelard ancienne ferme qui fait partie du domaine] et la terre dans le meilleur état possible.

 

             Ma maladie m’a mis absolument hors d’état de travailler. Je me fais lire [lectures pendant le repas, préférables dit-il aux conversations oiseuses !]; je vois mes ouvriers quand le temps le permet ; je me couche à dix heures précises, je ménage ainsi le peu de force qui me restent.

 

             On ne sait pas ce qu’est devenu Perrachon [Etienne Perrachon, marchand à Ferney, parti à Paris]. Votre lettre est probablement perdue.Vous pourriez aisément me mander ce qu’elle contenait, et me l’envoyer par M. Lefevre.

 

             J’avoue que ç’aurait été une consolation pour moi, et en même temps un grand amusement, si vous aviez pu faire réussir l’affaire de La Touche cette année [il attribue maintenant sa tragédie Les Guèbres à La Touche]. Peut-être en viendrez-vous à bout ; personne n’en est plus capable que vous.

 

             J’ignore le projet dont vous me parliez dans votre dernière lettre. Je suis tout dérouté quand vous me dîtes que vous n’aimez pas Paris [le 26 (30) mars elle écrit : « … je vous déclare que je ne resterai pas à Paris. Si je vous y étais utile, je ne balancerai pas. Mais comme je ne suis bonne à rien qu’à vous dépenser de l’argent, je vous supplie de me permettre de quitter un séjour qui ne convient plus ni à mon âge, ni à ma santé et qui vous serait fort à charge à la longue. Quand vous voudrez savoir mon projet, je vous le dirai. »]. Vous avançâtes votre voyage de trois jours pour revoir vos parents, vos amis, les spectacles, et pour jouir de tout ce que la capitale peut avoir d’agréments [elle répond le 23 avril : « Je ne sais ce que vous entendez en me disant que j’ai avancé mon voyage … Vous savez que vous m’avez obligée et forcée de sortir de chez vous, que … je vous ai supplié de me permettre de me retirer à Lyon, que vous n’avez jamais voulu y consentir, qu’il m’a fallu aller de force à Paris, que vous me demandiez tous les jours si mes paquets étaient faits… »], tandis que j’ai vécu dans une espèce de prison pendant une année entière. La solitude de la campagne est faite pour moi, pour ma situation, et pour ma mauvaise santé qui exige la retraite. Mais vous êtes encore à un âge à goûter tous les plaisirs de la société [57 ans]. La vie que je mène serait un supplice pour vous. Enfin, je ne puis concevoir le dégoût que Paris semble vous inspirer. Je ne puis la regarder que comme un dégoût passager qui s’évanouira bientôt. Ouvrez-moi votre cœur, parlez-moi avec confiance ; soyez très sûre que je partage vos plaisirs et vos peines. J’imagine que vous pourrez louer l’appartement qu’occupait chez vous Mme Dupuits à quelque homme de lettres, dont la société serait pour vous un agrément de plus. C’est peut-être ce que vous aurez de mieux à faire.

 

             J’ignore toutes les nouvelles. La gazette de Berne prétend que M. de La Borde est exilé [le banquier Jean-Joseph de La Borde], et je n’en crois rien. C’est un homme trop sage pour s’être attiré cette disgrâce. Mais je crains beaucoup pour ses actions de la caisse d’escompte. Je crois vous avoir dit que j’ai entre ses mains presque le seul bien libre qui me restait. S’il lui arrivait un malheur j’en serai la première victime, et je serais bien embarrassé pour assurer quelque chose à votre neveu d’Hornoy par son contrat de mariage. Nos affaires avec le duc de Virtemberg [règlement des arrérages, nouveau prêt et signature de papiers juridiquement inattaquables] sont dans la plus grande sécurité ; mais tout ne sera arrangé que dans trois mois. Il me semble que je vous en ai aussi informée.

 

             L’autre La Borde, premier valet de chambre du roi m’inquiète un peu. Vous ne m’accusez point la réception d’un paquet que je lui ai envoyé pour vous il y a trois semaines. Je ne reçois de lui aucune nouvelle. Il parait ne plus songer à Pandore, c’était  pourtant une belle fête à donner à la dauphine [achever la musique de la Pandore de V* pour la présenter devant Marie-Antoinette qui va épouser le dauphin].

 

             On fait trois nouvelles éditions du Siècle de Louis XIV, à Leipsick, à Lausanne, et dans la ville d’Avignon. Celui qui a frappé ma médaille s’appelle Wachter [médaille à 30 livres pièce en argent, 6 livres 432 en bronze], il est sujet de l’Electeur palatin.

 

             J’ai répondu à tous les articles de votre [lettre]. Il est inutile à présent que M. d’Hornoy passe chez la veuve Duchesne, elle a entièrement réparé sa faute [le 3 avril V* écrit à Mme Denis que d’Hornoy doit « passer sur le champ chez la veuve Duchesne, et exiger … incontinent l’impression du carton dont on [V*] lui a envoyé le modèle ». Dans la France littéraire qu’elle venait d’imprimer, on attribuait à V* Le Catéchumène et le Tableau philosophique de l’Esprit humain, qui ne sont pas de lui et « quantité d’autres brochures infâmes » qui, elles , sont de lui !  La libraire s’est exécutée et V* l’en remercie le 10 avril ]. Renvoyez-moi, je vous prie, le petit billet pour Laleu afin que tout soit en règle [Mme Denis dit le 26 (30) avril, que n’ayant plus que six louis en poche, elle demande à prendre chez le notaire Laleu mille écus, qu’elle promet de rendre]. Je mets un ordre très exact dans toutes mes affaires. Mon âge et ma mauvaise santé l’exigent. Je vous embrasse avec la plus tendre amitié.

 

             V. »

 

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