Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/06/2010

ce sont les termes et non les choses qui révoltent l'esprit humain

http://www.youtube.com/watch?v=eUKz2fvb6jY&feature=related

 

 

 

« A Charles-Marie de La Condamine

 

22 juin 1734

 

Si la grand-chambre était composée, monsieur, d'excellents philosophes, je serais très fâché d'y avoir été condamné [le 10 juin les Lettres philosophiques condamnées sont brûlées au pied du grand escalier du Palais], mais je crois que ces vénérables magistrats n'entendent que médiocrement Neuton et Locke .Ils n'en sont pas moins respectables pour moi quoiqu'ils aient donné autrefois un arrêt en faveur de la physique d'Aristote, qu'ils aient défendu de donner de l'émétique [la Sorbonne lance un arrêt contre l'antimoine en 1566. Le parlement fit un arrêt en faveur de la doctrine d'Aristote sous Louis XIII en 1624, puis un arrêt contre l'émétique] etc., leur intention est toujours très bonne. Ils croyaient que l'émétique était un poison, mais depuis que plusieurs conseillers de grand-chambre furent guéris par l'émétique, ils changèrent d'avis sans pour autant réformer leur jugement, de sorte qu'encore aujourd'hui l'émétique demeure proscrit par un arrêt, et que M. Silva ne laisse point d'en ordonner à messieurs, quand messieurs sont tombés en apoplexie. Il pourrait peut-être arriver à peu près la même chose à mon livre. Peut-être quelque conseiller pensant lira les Lettres philosophiques avec plaisir quoiqu'elles soient proscrites par arrêt. Je les ai relues hier avec attention pour voir ce qui a pu choquer si vivement les idées reçues. Je crois que la manière plaisante dont certaines choses y sont tournées aura fait généralement penser qu'un homme qui traite si gaiement les quakers et les anglicans, ne peut faire son salut cum timore et tremore [= avec crainte et tremblement], et est un très mauvais chrétien ; ce sont les termes et non les choses qui révoltent l'esprit humain. Si M. Neuton ne s'était pas servi du mot d'attraction dans son admirable philosophie, toute notre Académie aurait ouvert les yeux à la lumière, mais il a eu le malheur de se servir à Londres d'un mot auquel on aurait attaché une idée ridicule à Paris, et sur cela seul on lui a fait ici son procès avec une témérité qui fera un jour peu d'honneur à ses ennemis.

 

S'il est permis de comparer les petites choses aux grandes, j'ose dire qu'on a jugé mes idées sur des mots. Si je n'avais pas égayé la matière, personne n'eût été scandalisé, mais aussi personne ne l'aurait lu.

 

On a cru qu'un Français qui plaisantait les quakers, qui prenait le parti de Locke et qui trouvait de mauvais raisonnements dans Pascal était un athée. Remarquez, je vous prie, si l'existence d'un Dieu dont je suis réellement très convaincu n'est pas clairement admise dans tout mon livre ? Cependant les hommes qui abusent toujours des mots appelleront également athée celui qui niera un Dieu et celui qui disputera sur la nécessité du péché originel. Les esprits ainsi prévenus ont crié contre les Lettres sur Locke et sur Pascal.

 

Ma lettre sur Locke se réduit uniquement à ceci :

la raison humaine ne saurai démontrer qu'il soit impossible à Dieu d'ajouter la pensée à la matière.

 

Cette proposition est, je crois, aussi vraie que celle-ci : deux triangles qui ont la même base et la même hauteur sont égaux.

 

A l'égard de M. Pascal le grand point de la question roule visiblement sur ceci,savoir si la raison humaine suffit pour prouver deux natures dans l'homme. Je sais que Platon a eu cette idée et qu'elle est très ingénieuse, mais il s'en faut bien qu'elle soit philosophique. Je crois le péché originel quand la religion me l'a révélé, mais je ne crois pas les androgynes quand Platon a parlé ; les misères de la vie, philosophiquement parlant, ne prouvent pas plus la chute de l'homme que les misères d'un cheval de fiacre ne prouvent que les chevaux étaient tous autrefois gros et gras et ne recevaient jamais de coups de fouet, et que , depuis qu'un d'eux s'avisa de manger trop d'avoine, tous ses descendants furent condamnés à trainer des fiacres. Si la sainte Écriture me disait ce dernier fait, je le croirais, mais il faudrait du moins m'avouer que j'aurais eu besoin de la sainte Écriture pour le croire et que ma raison ne suffisait pas.

 

Qu'ai-je donc fait autre chose que de mettre la sainte Écriture au dessus de la raison ? Je défie encore une fois qu'on me montre une proposition répréhensible dans mes réponses à Pascal .Je vous prie de conférer sur cela avec vos amis et de vouloir bien me mander si je m'aveugle.

 

Vous verrez bientôt Mme du Châtelet. L'amitié dont elle m'honore ne s'est point démentie dans cette occasion [elle est sa maitresse depuis le printemps 1733, et lui a offert refuge dans son château de Cirey suite à la lettre de cachet de mai lancée contre lui]. Son esprit est digne de vous et de M. de Maupertuis [Maupertuis a initié la marquise aux hautes mathématiques, devenu son amant, il fera tout pour se dérober à l passion exigeante de Mme du Châtelet], et son cœur est digne de son esprit. Elle rend de bons offices à ses amis, avec la même vivacité qu'elle a appris les langues et la géométrie ; et quand elle a rendu tous les services imaginables, elle croit n'avoir rien fait ; comme, avec son esprit et ses lumières, elle croit ne savoir rien, et ignore si elle a de l'esprit. Soyez-lui bien attachés, vous et M. de Maupertuis, et soyons toute notre vie ses admirateurs et ses amis. La cour n'est pas trop digne d'elle ; il lui faut des courtisans qui pensent comme vous. Je vous prie de lui dire à quel point je suis touché de ses bontés. Il y a quelque temps que je ne lui ai écrit et que je n'ai reçu de se nouvelles, mais je n'en suis pas moins pénétré d'attachement et de reconnaissance.

 

Embrassez pour moi, je vous prie, l'électrique M. du Fay [Charles-François Cisternay du Fay, directeur du jardin et du cabinet d'histoire naturelle du roi, ayant découvert en 1733 l'existence de deux types d'électricité], et si vous embrassiez ma petite sœur, feriez-vous si mal ? Mandez-moi, je vous prie, comment elle se porte. Mille respects à Mme du Fay et à ses dames. Vous m'aviez parlé d'une lettre de Stamboul,[allusion au fait que V* n'avait pas reconnu La Condamine déguisé en turc lors d'un diner chez du Fay en décembre 1732 , ou à une lettre du comte de Bonneval envoyée de Turquie fin 1726] etc. »

 

 

 

Emétique ? 

Hey ! Meetic ?

Et mes tics ?

Aye ! mes tiques ?

Russula_emetica2.jpg

http://www.cnrtl.fr/lexicographie/%C3%A9m%C3%A9tique

 

Les commentaires sont fermés.