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23/06/2010

Quand on vexe un pauvre auteur, les dix-neuf vingtièmes du monde l'ignorent ; le reste en rit et moi aussi

 Arsenic ??

http://www.youtube.com/watch?v=shi9C368X0s

 

Non ! A' n'ser' à rien !

Arsenaria ! Na !!

arsenaria.jpg

 

 





« A Nicolas-Claude Thiriot

[lettre destinée à la publication et qui parut dans le Mercure de juillet 1761]

[23 juin 1761]

 

Sic vos non vobis [début de vers attribué à Virgile : « sic vos non vobis mellificatis apes » = « de même, vous , abeilles, vous faites du miel pour d'autres que vous »]. Dans le nombre immense de tragédies, comédies, opéra-comiques, discours moraux et facéties, au nombre d'environ cinq cent mille [exagéré !], qui font l'honneur éternel de la France, on vient d'imprimer une tragédie sous mon nom, intitulée Zulime. La scène est en Afrique. Il est bien vrai qu'autrefois ayant été avec Alzire en Amérique, je fis un petit tour en Afrique avec Zulime [jouée en juin 1740], avant d'aller voir Idamé [L'Orphelin de la Chine, joué en 1755] à la Chine ; mais mon voyage d'Afrique ne me réussit point. Presque personne dans le parterre ne connaissait la ville d'Arsénie qui était le lieu de la scène. C'est pourtant une colonie romaine nommée Arsénaria ; et c'est encore par cette raison-là qu'on ne la connaissait pas.

 

Trémizène est un nom bien sonore ; c'est un joli petit royaume, mais on n'en avait aucune idée. La pièce ne donna nulle envie de s'informer du gisement de ces côtes. Je retirai prudemment ma flotte. Et quae desperat tractata nitescere posse relinquit [= et ce qu'il désespère de traiter brillamment, il le laisse]. Des corsaires se sont enfin saisis de la pièce, et l'ont fait imprimer ; mais par droit de conquête ils ont supprimé deux ou trois cents vers de ma façon, et en ont mis autant de la leur [cette édition reproduit le texte d'un manuscrit corrigé de la main de V*, et c'est certainement d'une copie de ce manuscrit qu'il est question ensuite]. Je crois qu'ils ont très bien fait ; je ne veux point leur voler la gloire comme ils m'ont volé mon ouvrage. J'avoue que le dénouement leur appartient, et qu'il est aussi mauvais que l'était le mien [dans cette version de la pièce, l'épouse secrète du héros se tue]. Les rieurs auront beau jeu ; car au lieu d'avoir une pièce à siffler, ils en auront deux.

 

Il est vrai que les rieurs seront en petit nombre, car peu de gens pourraient lire les deux pièces. Je suis de ce nombre ; et de tous ceux qui prisent ces bagatelles ce qu'elles valent, je suis peut-être celui qui y met le plus bas prix. Enchanté des chefs-d'œuvre du siècle passé, autant que dégoûté du fatras prodigieux de nos médiocrités, je vais expier les miennes en me faisant le commentateur de Pierre Corneille. L'Académie agrée ce travail, je me flatte que le public le secondera en faveur des héritiers de ce grand nom.

 

Il vaut mieux commenter Heraclius que de faire Tancrède. On risque bien moins. Le premier jour qu'on joua ce Tancrède [3 septembre 1760] beaucoup de spectateurs étaient venus armés d'un manuscrit qui courait le monde, et qu'on assurait être mon ouvrage. Il ressemblait à cette Zulime imprimée.

 

C'est ainsi qu'un honnête libraire nommé Gosse s'avisa d'imprimer une Histoire générale qu'il assurait être de moi [associé à Néaulme quand celui-ci édita cette oeuvre en deux tomes en 1753] , et il me le soutenait à moi-même. Il n'y a pas grand mal à tout cela. Quand on vexe un pauvre auteur, les dix-neuf vingtièmes du monde l'ignorent ; le reste en rit et moi aussi. Il y a trente à quarante ans que je prenais sérieusement la chose, j'étais bien sot ! Adieu, je vous embrasse.

 

V. »

 

 

 Wanted !

Une bonne adresse pour bricoleur-maçon-charpentier-peintre de bonne volonté :

http://www.castellum-tingitanum.org/index.php?id=8&id2=3

 Et pour garder des relations internationales au beau fixe, pour les germanophones (et -philes ! ) :

http://www.youtube.com/watch?v=q6IUQo8ch9s&feature=related

 

Commentaires

Comme quoi, même les Grands, les plus talentueux, ceux que l'Histoire a retenu, n'ont pas écrit que des chef-d'oeuvres. Et cela n'est pas si étonnant : le génie étant surtout de la "transpiration", il faut bien se faire la main. Il faut forger, alors forgeons sans peur du ridicule ou de la médiocrité ! Qui sait s'il en restera un jour quelque chose ?

Écrit par : Olivier | 23/06/2010

Cet extraordinaire Volti a eu une production théâtrale pléthorique qui ne touche plus le public et c'est normal . Dans chacune de ses pièces il y a des phrases et des vers qui sont remarquables, mais aussi des actions qui souvent, conventionnelles, tournent en rond . Il en était conscient et parfois regrettait d'écrire cinq actes alors que trois auraient suffit, masi il était quand même un peu conventionnel et respectait le code des cinq actes. J'ai quand même assisté à Oedipe et au Droit du Seigneur avec plaisir, et mes suis barbé comme un rat mort à L'Orphelin de la Chine.
Bravo pour votre intérêt sur Volti et merci pour votre intervention .

Écrit par : james | 24/06/2010

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