14/07/2010
si on se divise, si on a de petites faiblesses, on est perdu
« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay
14 juillet [1760] aux Délices
Voici ma réponse, madame, à une lettre très injuste adressée à notre cher docteur et qu'il vient de m'envoyer. Je vous en fais tenir copie ; comptez que c'est la loi et les prophètes.
Je sais mieux que personne ce qui se passe à Paris et à Versailles, au sujet des philosophes ; si on se divise, si on a de petites faiblesses, on est perdu. L'Infâme et les infâmes triompheront. Les philosophes seraient-ils assez bêtes pour tomber dans le piège qu'on leur tend ? soyez le lien qui doit unir ces pauvres persécutés.
Jean-Jacques aurait pu servir dans la guerre, mais la tête lui a tourné absolument. Il vient de m'écrire une lettre dans laquelle il me dit que j'ai perdu Genève [lettre de JJR à V* du 17 juin 1760, reproduite dans les Confessions]. En me parlant de Grimm, il l'appelle un Allemand nommé Grimm. Il dit que je suis cause qu'il sera jeté à la voirie quand il mourra, tandis que moi je serai enterré honorablement.
Que voulez-vous que je vous dise, Madame ? il est déjà mort ; mais recommandez aux vivants d'être dans la plus grande union .
Je me fais anathème pour l'amour des persécutés, mais il faut qu'ils soient plus adroits qu'ils ne sont ; l'impertinence contre Mme de Robecq, la sottise de lui avoir envoyé La Vision,[de l'abbé Morellet ; cf. lettres des 25 avril, 10 juin et 9 juillet] la barbarie de lui avoir appris qu'elle était frappée à mort, sont un coup terrible qu'on a bien de la peine à guérir ; on le guérira pourtant et je ne désespère de rien si on peut s'entendre. Je me mets à vos pieds, ma belle philosophe. »
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