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22/08/2010

ma vie est consacrée au travail et à la vérité.

 

 

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

 

A Colmar 22 août 1754

 

Sire,

 

Je prends encore la liberté de présenter à Votre majesté un ouvrage [i] qui, si vous daigniez l'honorer d'un de vos regards, vous ferait voir que ma vie est consacrée au travail et à la vérité. Cette vie toujours retirée et toujours occupée au milieu des maladies, et ma conduite jusqu'à ma mort vous prouveront que mon caractère n'est pas indigne des bontés dont vous m'avez honoré pendant quinze années.

 

J'attends encore de la générosité de votre âme que vous ne voudrez pas remplir mes derniers jours d'amertume.

 

Je vous conjure de vous souvenir que j'avais perdu mes emplois [ii] pour avoir l'honneur d'être auprès de vous, et que je ne les regrette pas, que je vous ai donné mon temps et mes soins pendant trois ans, que je renonçai à tout pour vous, et que je n'ai jamais manqué à votre personne.

 

Ma nièce qui n'a été malheureuse que par vous,[iii] et qui certainement ne mérite pas de l'être , qui console ma vieillesse et qui veut bien prendre soin de ma malheureuse santé et des biens que j'ai auprès de Colmar,[iv] doit au moins être un objet de votre bonté et de votre justice.

 

Elle est encore malade de l'aventure affreuse qu'elle essuya en votre nom. Je me flatte toujours que vous daignerez réparer par quelques mots de bonté des choses qui sont si contraires à votre humanité et à votre gloire [v]. Je vous en conjure par le véritable respect que j'ai pour vous. Daignez vous rendre à votre caractère encore plus qu'à la prière d'un homme qui n'a jamais aimé en vous que vous même, et qui n'est malheureux que parce qu'il vous a assez aimé pour vous sacrifier sa patrie. Je n'ai besoin de rien sur la terre que votre bonté, croyez que la postérité dont vous ambitionnez et dont vous méritez tant les suffrages ne vous saura pas mauvais gré d'une action d'humanité et de justice.

 

En vérité si vous voulez faire réflexion à la manière dont j'ai été si longtemps attaché à votre personne, vous verrez qu'il est bien étrange que ce soit vous qui fassiez mon malheur. Soyez très persuadé que celui que vous avez rendu si malheureux aura jusqu'à son dernier moment une conduite digne de vous attendrir.

 

V. »

 

i Troisième volume de l'Histoire universelle.

ii Il a gardé son titre de gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi, mais perdu sa charge d'historiographe.

iii L'avanie de Franfort ; cf. lettre du 20 juin 1753 à la margravine et du 8 juillet 1753 au Conseil de Francfort.

iv Il a une hypothèque sur les terres du duc de Wurtemberg et il « supplie » le duc, le 7, de faire établir le contrat au nom de Mme Denis.

v Frédéric ne le fit pas .

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