18/09/2010
avoir abusé de sa place pour ôter la liberté aux gens de lettres, et pour persécuter un honnête homme qui n'avait d'autre crime que de n'être pas de son avis
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« A la Bibliothèque raisonnée [i]
Voici l'exacte vérité qu'on demande. M. Moreau Maupertuis, dans une brochure intitulée Essai de cosmologie, prétendit que la seule preuve de l'existence de Dieu est AR + nRB [ii], qui doit être un minimum : voyez page 52 de son recueil in-4° [iii]. Il affirme que dans tous les cas possibles l'action est toujours un minimum, ce qui est démonté faux ; et il dit avoir découvert cette loi du minimum, ce qui n'est pas moins faux.
M. Koenig ainsi que d'autres mathématiciens, a écrit contre cette assertion étrange, et il a cité entre autres choses un fragment d'une lettre de Leibnitz, où ce grand homme disait avoir remarqué que dans les modifications du mouvement l'action devient ordinairement un maximum ou un minimum.
M. Moreau Maupertuis crut qu'en produisant ce fragment , on voulait lui enlever la gloire de sa prétendue découverte, quoique Leibnitz eût dit précisément le contraire de ce qu'il avance. Il força quelques membres pensionnaires de l'académie de Berlin [iv], qui dépendent de lui, de sommer M. Koenig de produire l'original de la lettre de Leibnitz ; et l'original ne se trouvant plus, il fit rendre par les mêmes membres un jugement qui déclare M. Koenig coupable d'avoir attenté à la gloire du sieur Moreau Maupertuis, en supposant une fausse lettre.
Depuis ce jugement aussi incompétent qu'injuste, et qui déshonorait M. Koenig, professeur en Hollande, et bibliothécaire de S.A.S. Madame la princesse d'Orange, le sieur Moreau Maupertuis écrivit et fit écrire à cette princesse, pour l'engager à faire supprimer par son autorité les réponses que M. Koenig pourrait faire. Son Altesse Sérénissime a été indignée d'une persécution si insolente, et M. Koenig s'est justifié pleinement non seulement en faisant voir que ce qui appartient à M. de Maupertuis dans sa théorie est faux, et qu'il n'y a que ce qui appartient à Leibnitz et à d'autres qui soit vrai ; mais il a donné la lettre tout entière de Leibnitz avec deux autres de ce philosophe. Toutes ces lettres sont du même style, il n'est pas possible de s'y méprendre, et il n'y a personne qui ne convienne qu'elles sont de Leibnitz. Ainsi le sieur Moreau Maupertuis a été convaincu à la face de l'Europe savante non seulement de plagiat , et d'erreur, mais d'avoir abusé de sa place pour ôter la liberté aux gens de lettres, et pour persécuter un honnête homme qui n'avait d'autre crime que de n'être pas de son avis . Plusieurs membres de l'Académie de Berlin ont protesté contre une conduite si criante, et quitteraient l'Académie que le sieur Maupertuis tyrannise et déshonore, s'ils ne craignaient de déplaire au roi qui en est le protecteur.[v]
A Berlin le 18 septembre 1752»
i « Réponse d'un académicien de Berlin à un académicien de Paris », Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savants de l'Europe, juillet-septembre 1752 .Cette réponse parut anonymement ; on l'attribua à de Joncourt ; le roi avait prié V* de ne rien écrire contre Maupertuis, président de l'Académie de Berlin (lettre de la comtesse de Bentinck à sa mère 13 février 1753)
ii Maupertuis utilise cette formule m.AR + n.RB dans cet essai publié en 1750.
iii Les Œuvres de M. de Maupertuis, 1752.
iv Dans une lettre à d'Argens, V* met en cause Euler et Merian.
v Dans sa prétendue lettre à Mme Denis datée du 24 juillet, V* raconte déjà toute l'affaire, ce qui forme une des raisons pour laquelle on la considère comme réécrite.
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