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18/12/2010

J'ai toujours regardé l'athéisme comme le plus grand égarement de la raison

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 J'ai choisi celui-ci car j'en ai un dans ma voiture depuis cet automne, c'est une "petite tortue" ! (je vous jure que je ne vois pas d'éléphant rose posé sur mon rétroviseur ! ).

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« A Anne-Madeleine-Louise-Charlotte-Auguste de La Tour du Pin de Saint Julien

15è décembre 1766 à Ferney

Charmant papillon de la philosophie, de la société et de l'amour, j'aurais été enchanté de vous voir honorer encore ma retraite d'une de vos apparitions, vous auriez même été mon premier médecin, car il y a environ deux mois que je ne sors guère de mon lit.

Savez-vous bien, madame, que j'ai des choses très sérieuses à répondre à la lettre très morale que vous n'avez point datée. Vous m'apprenez que dans votre société on m'attribue Le Christianisme dévoilé, par feu M. Boulanger i; mais je vous assure que les gens au fait ne m'attribuent point du tout cet ouvrage . J'avoue avec vous qu'il y a de la clarté, de la chaleur, et quelquefois de l'éloquence, mais il est plein de répétitions, de négligences, de fautes contre la langue, et je serais très fâché de l'avoir fait, non seulement comme académicien, mais comme philosophe, et encore plus comme citoyen.

Il est entièrement opposé à mes principes . Ce livre conduit à l'athéisme que je déteste. J'ai toujours regardé l'athéisme comme le plus grand égarement de la raison, parce qu'il est aussi ridicule de dire que l'arrangement du monde ne prouve pas un artisan suprême, qu'il serait impertinent de dire qu'un horloge ii ne prouve pas un horloger.

Je ne réprouve pas moins ce livre comme citoyen. L'auteur parait trop ennemi des puissances . Des hommes qui penseraient comme lui ne formeraient qu'une anarchie, et je vois trop par l'exemple de Genève, combien l'anarchie est à craindre.

Ma coutume est d'écrire sur la marge de mes livres ce que je pense d'eux. Vous verrez, quand vous daignerez venir à Ferney les marges du Christianisme dévoilé chargées de remarques qui démontrent que l'auteur s'est trompé sur les faits les plus essentiels iii.

Il est assez douloureux pour moi, Madame, que la malignité, et la légèreté des papillons de votre pays, qui n'ont ni votre esprit, ni vos grâces, m'imputent continuellement des ouvrages capables de perdre ceux qu'on en soupçonne.

Quant à M. le maréchal de Richelieu, je me doutais bien qu'il n'aurait pas le temps de parler à M. le comte de Saint-Florentin de la famille infortunée qui a excité votre compassion iv. Il allait partir pour Bordeaux. Votre jolie âme en a fait assez ; cette famille obtient par vos bontés une pension sur son propre bien dont on lui arrache le fonds pour avoir donné il y a vingt-six ans à souper à un sot prêtre hérétique v.

Quand j'aurai quelque grâce à implorer pour des malheureux, je demanderai votre protection, Madame, auprès de M. le duc de Choiseul. Je l'ai importuné quelquefois de mes indiscrètes requêtes, et il a toujours daigné m'accorder ce que j'ai pris la liberté de lui demander. Je craindrais bien de fatiguer ses bontés si je ne savais par vous-même quel est l'excès de sa générosité.

Venez à Ferney, Madame, nous chanterons ses louanges et les vôtres pour le prologue de l'opéra de Pandore vi, et vous serez ma Pandore, mais vous n'ouvrirez point la boîte.

Agréez, Madame, le respect et l'attachement du vieux solitaire.

V. »

 

i C'est le baron d'Holbach qui a écrit sous le nom de Boulanger .http://books.google.fr/books?id=wRQ-AAAAcAAJ&printsec...

ii Horloge est originellement du genre masculin.

iii V* a écrit sur la page de titre « livre dangereux ».

iv La famille d'Espinas, pour qui V*, le 28 octobre a demandé à Richelieu de « dire un mot » en sa faveur à Saint Florentin.

v Le père avait été condamné aux galères en 1740 et y était resté jusqu'en 1756, son bien avait été confisqué, sauf un tiers pour l'entretien de ses trois enfants, mais en fait ces derniers n'auraient jamais « joui de cette grâce ».

vi La Borde l'avait mis en musique à Ferney ; cf. lettre à Mme du Deffand du 24 septembre 1766.

 

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