06/09/2011
Je peux très bien me corriger de mes sottises, mais non en rougir .
Lorsqu'on corrige ses sottises, il est de bon ton que l'on passe l'éponge , non ?
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« A Frédéric II, roi de Prusse
[fin septembre- octobre 1752]
Sire,
Je mets à vos pieds Abraham 1, et un Catalogue 2. Le père des croyants n'est qu'ébauché parce que je suis sans livres . Mais si Votre Majesté jette les yeux sur cet article dans Bayle, elle verra que cette ébauche est plus pleine , plus curieuse et plus courte . Ce livre honoré de quelques articles de votre main ferait du bien au monde . Chérissac 3 coulerait à fond les sts pères .
Il y a grande apparence que j'ai fait une grosse sottise en envoyant à Votre Majesté mon mémoire détaillé, mais, Sire, j'ai parlé en philosophe qui ne craint point de faire des fautes devant un roi philosophe auquel il est assurément attaché avec tendresse . Je peux très bien me corriger de mes sottises, mais non en rougir .
J'aurai encore la hardiesse de dire que je ne conçois pas comment on peut habiller tous les ans 150 000 hommes, nourrir tous les officiers de ses gardes, bâtir des forteresses, des villes, des villages, établir des manufactures, avoir trois spectacles, donner tant de pensions, etc. etc.
Il m'a paru qu'il y aurait une prodigieuse indiscrétion à moi de proposer de nouvelles dépenses à Votre Majesté pour mes fantaisies, quand elle me donne 5000 écus par an à ne rien faire .
De plus je ne connais que le style des personnes que j'ai voulu attirer ici pour travailler, et point leur caractère . Il se pourrait qu'étant employées par Votre Majesté à un ouvrage qui ne laisse pas d'être délicat et qui demande le secret, elles fissent les difficiles, s'en allassent, et vous compromissent . En me chargeant de tous vos ordres, Votre Majesté n'était compromise en rien .
Voilà mes raisons . Si elles ne vous plaisent pas, si Votre Majesté ne se soucie pas de l'ouvrage proposé, me voilà résigné avec la même soumission que je travaillais avec ardeur .
Si Votre Majesté a des ordres à donner, ils seront exécutés .
Pourvu que je me console de mes maux par l'étude et par vos bontés, je vivrai et mourrai content .
V. »
1 Article de « l'encyclopédie de la raison » ; voir lettre du 5 septembre 1752 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/05/votre-pedant-en-points-et-virgules-et-votre-disciple-en-phil.html
2 Est-ce la table alphabétique de ce dictionnaire philosophique que Frédéric lui demandait ?Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-dictionnaire-philosophique-introduction-83308411.html
3 Est-ce « cher Isaac », à savoir le marquis d'Argens, collaborateur du Dictionnaire et auteur des Lettres juives ?
Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_Boyer_d'Argens
http://fr.wikipedia.org/wiki/Lettres_juives
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