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28/09/2011

On me vole mon bien de tous côtés, et on le dénature pour le vendre

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« A Charles-Jean-François Hénault

 

A Colmar, le 15 octobre [1754]

 

J'apprends, monsieur, que vous avez été quelque temps comme je suis toujours . On me mande que vous avez été très malade . Soyez bien persuadé que personne ne prend plus d'intérêt que moi à votre santé . Si vous êtes actuellement, comme je m'en flatte, dans votre convalescence, permettez que je vous demande votre protection auprès de Royer et pour Royer . Il a fait précisément de la tragédie de Pandore ce que Néaulme a fait de l'Histoire universelle . On me vole mon bien de tous côtés, et on le dénature pour le vendre .

 

Si j'en crois tout ce qu'on m'écrit, le plus grand service qu'on puisse rendre à Royer est de l'empêcher de donner cet opéra . On assure que la musique est aussi mauvaise que son procédé . Je vous demande en grâce de l'envoyer chercher, et de vouloir bien lui représenter ce qui est de son intérêt et de son honneur . M. de Moncrif m'a envoyé la pièce telle qu'on veut la jouer, et telle que M. Royer l'a fait refaire par un nommé Sireuil, ancien porte-manteau du roi . Cette bigarrure serait l'opprobre de la littérature et de la nation . Vous faites trop d'honneur aux lettres, monsieur, pour souffrir cette indignité si vous avez le crédit de l'empêcher . J'ai écrit une lettre de politesse à Royer, avant de savoir de quoi il était question ; mais à présent que je suis au fait, je suis bien loin de consentir à son déshonneur et au mien . Si on ne peut parvenir à supprimer cet opéra, ne pourra-t-on pas , au moins, engager Royer à différer d'une année ? Et si on ne peut différer cet opprobre, je demande à M. le comte d'Argental qu'on ne débite point l'ouvrage à l'Opéra sans y mettre un titre convenable, et qui soit dans la plus exacte vérité . Voici le titre que je propose : Prométhée, fragments de la tragédie Pandore, déjà imprimée, à laquelle le musicien a fait substituer et ajouter ce qu'il a cru convenable au théâtre lyrique, pendant l'éloignement de l'auteur . Je vous demande bien pardon, monsieur, de vous entretenir de ces bagatelles ; mais les bontés dont vous m’honorez me servent d’excuse . Je vous supplie de compter sur les sentiments d'estime, de tendresse, et de reconnaissance, qui m'attachent à vous . Je n'écris point à Mme du Deffant, et j'en suis bien fâché ; mais les maladies continuelles qui m'accablent m'interdisent tous les plaisirs . »

 

 


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