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03/09/2012

joignez-y ce qu'il vous plaira de curieux

 ... Chat alors !

 

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« A M. THIERIOT.

Aux Délices, 10 novembre [1756].

La vie est un songe, mon ancien ami; Mme de La Popelinière vient donc de finir le sien 1; je rêve encore un peu, mais je suis bientôt à bout. Notre grand Tronchin aurait guéri votre amie; il a rendu la santé à Mme de Fontaine, mais il n'en a pas fait autant à son oncle; je suis perclus, pour le présent, de la moitié du corps. J'ai engagé M. le duc de Villars à venir se faire guérir ici d'un petit rhumatisme nous l'avons crevé de truites et de gelinottes. Il s'en est retourné dans sa province avec la santé d'un athlète. Il n'en est pas de même de votre ancien ami: Je ne suis plus qu'une ombre paralytique. Il est triste de s'en aller pour jamais chacun de son côté, sans se revoir.
Si l'envie vous prend de faire un pèlerinage pour votre santé et de venir prendre des lettres de vie signées Tronchin, je vous hébergerai dans mon château de Gaillardin 2, aux Délices, ou à Monrion; je vous voiturerai, je vous crèverai. Qu'allez-vous devenir à présent? Logerez-vous chez la fille 3 du comte de Rochester, ou chez M. de La Popelinière, ou chez les moines de Saint-Victor ?
Envoyez-moi toujours Philippe V 4 et le bonhomme Derham; joignez-y ce qu'il vous plaira de curieux. Je ne sais actuellement quels livres vous demander. Je suis si malade que je ne peux plus guère lire, et je fais plus de cas d'une prise de rhubarbe que de l'Enéïde. Je ne crois pas même avoir la force de lire les excommunications de votre archevêque, ni les solécismes de la Sorbonne; on dit qu'elle a mis supplicaturi, pour supplicaturos; mais qu'ils soient ridiculi ou ridiculos, cela ne m'importe guère.
Mandez-moi quels beaux legs Mme de La Popelinière vous a laissés, et quelle belle nouvelle action son mari a faite. Si vous m'envoyez une cargaison de livres, adressez-la par la diligence à M. Robert Tronchin, banquier à Lyon. Adieu, bonsoir, je n'en peux plus. En vérité, il faudrait revoir ses vieux amis. N'avez-vous pas par hasard soixante ans, et moi soixante-deux ?
Allons, allons. »

1 Elle mourut vers le commencement de novembre 1756.

3 La comtesse de Sandwich.

 

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