27/09/2012
Le roi de Prusse vient de m'écrire une lettre tendre; il faut que ses affaires aillent mal
... Bien vu , Voltaire !
Un roi aussi ça trompe
Quant à moi, le ciel me préserve de ne recevoir de tendres lettres que quand les choses vont mal, et d'en écrire seulement quand j'ai le blues .
« A M. le maréchal duc de RICHELIEU
A Monrion, près de Lausanne, 4 février [1757].
Je ne sais si mon héros aura déjà reçu un fatras d'histoire qui commence à Charlemagne, et même plus haut, et qui finit par le vainqueur de Mahon 1. Vous n'aurez guère, monseigneur, le temps de lire dans votre année d'exercice 2; cet exercice a été violent dans ces dernières horreurs. Vous voyez des choses bien extraordinaires, mais vous en verrez des exemples dans le fatras que j'ai l'honneur de vous envoyer. Il est en feuilles. Je n'ai point de relieur à Monrion, et je crois que vos livres ont une reliure particulière.
Le roi de Prusse vient de m'écrire une lettre 3 tendre; il faut que ses affaires aillent mal. L'autocratrice 4 de toutes les Russies veut que j'aille à Pétersbourg. Si j'avais vingt-cinq ans, je ferais le voyage. Lekain veut en faire un; et il se flatte que vous lui donnerez permission d'aller prêcher à Marseille à Pâques 5. Je n'ose vous en supplier. Il n'appartient point à un Suisse de parler des acteurs de Paris. Ce n'est pas assurément le temps de parler de comédie il y a des tragédies bien abominables en France, qui prennent toute l'attention. Ce pauvre marquis d'Argenson, que vous appeliez le secrétaire d’État de la république de Platon, est donc mort 6? Il était mon contemporain: il faut que je fasse mon paquet. Jouissez, mon héros, de votre gloire et d'une vie heureuse et longue. Les héros vivent plus longtemps que les philosophes j'en excepte Fontenelle 7, dont je vous souhaite l'estomac et les cent années. Vous voilà doyen de l'Académie: c'est une bien belle place, mais il la faut conserver. Conservez-moi aussi vos bontés. Les deux Suisses vous adorent. »
1 Les éditions de 1756 et 1757 de l'Essai sur l'Histoire générale (ou Essai sur les Mœurs) comprenaient, comme Beuchot l'a dit dans son Avertissement en tête de l'Essai sur les Mœurs (tome XI), le Siècle de Louis XIV; les événements y étaient conduits jusqu'en juin 1756. C'était au chapitre cxcvi que se trouvait le passage dont Voltaire parle ici, et qu'il a replacé, sauf quelques mots, dans le chapitre xxxi du Précis du Siècle de Louis XV; voyez tome XV, pages 338-340.
2 Comme premier gentilhomme de la chambre, il est chargé de la direction des spectacles et de la Comédie Française .
3 Datée du 19 janvier, à Dresde. Elle nous est inconnue. Frédéric II écrivait le 20 janvier à sa soeur Wilhelmine : « J'ai été très surpris de recevor une lettre de Voltaire que l'on m'avait dit mort ; je lui ai fait répondre par l'abbé [de Prades] tout plein de belles choses . »
4 Élisabeth de Russie. Elle a signé le traité de Versailles le 22 janvier 1757. Voir : http://books.google.fr/books?id=d57lg2-FlCIC&pg=PT268&lpg=PT268&dq=elisabeth+de+russie+1757&source=bl&ots=i0VWQ7ZBF8&sig=CU19_uqJkyPSe4x-tCzBFMFkziU&hl=fr&sa=X&ei=dl1kUKrXHKik0AXBsoHIBA&ved=0CEEQ6AEwBg#v=onepage&q=elisabeth%20de%20russie%201757&f=false
5 Voir lettre du 20 novembre 1756 à Lekain : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/09/03/a-marseille-la-troupe-aurait-grand-besoin-de-vos-lecons-et-i.html
6 Le 26 janvier. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Louis_de_Voyer_de_Paulmy_d'Argenson
16:30 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.