12/11/2012
En attendant, ils montrent leur cul au roi de Prusse mais il y a cul, et cul
... Exact ! Tout dépend de ce qu'on en fait ... No comment !
« A M. Charles-Augustin FERRIOL, comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, 25 juin [1757].
Mon cher ange, je serais bien homme à courir à Plombières pour y faire ma cour à la moitié de mon ange; mais pourquoi Mme d'Argental met-elle son salut dans des eaux? Le grand Tronchin prétend qu'elles ne valent rien, et que la nature n'a point fait nos corps pour s'inonder d'eaux minérales. Mme de Muy 1, qui était mourante, est venue dans notre temple d'Épidaure, et s'en est retournée jeune et fraîche. C'est le lac qui est la fontaine de Jouvence; ce n'est pas le précipice de Plombières.
Vous n'allez donc point aux eaux ! Vous jugez à Paris, vous y voyez des Iphigénie 2 et des Astarbé 3 mais, je vous en conjure, mettez au cabinet les Fanime, ou du moins ne donnez cette nourriture légère qu'en temps de disette.
Je doute fort que mon héros 4 passe par Plombières pour aller se battre en Allemagne cela n'aurait pas bon air pour un général d'armée. Il faut qu'un héros se porte bien, et ne prenne ni ne fasse semblant de prendre les eaux mais, s'il y va, il sera le second objet de mon voyage. Ce sera apparemment sur la fin d'août, à la seconde saison, que Mme d'Argental ira boire. Je me flatte que ma santé, toute faible qu'elle est, mes travaux qui ne sont que petits, et les soins de la campagne, me permettront cette excursion hors de ma douce retraite.
Je n'ai point encore reçu la Vie de monsieur Damiens dont vous m'aviez flatté, mais je viens d'en lire un exemplaire qu'on m'a prêté. L'ouvrage est bien ennuyeux mais il y a une douzaine de traits singuliers qui sont assez curieux au bout du compte, cet abominable homme n'était qu'un fou.
Vous n'êtes pas trop curieux, je crois, de nouvelles allemandes; et comme vous ne m'en dites jamais de françaises, je devrais vous épargner mes rogatons tudesques. Cependant je veux bien que vous sachiez que, dans la pauvre armée du comte de Daun, il y a treize mille hommes qui n'ont ni culottes ni fusils, et que l'impératrice leur en fait faire à Vienne. En attendant, ils montrent leur cul au roi de Prusse mais il y a cul, et cul. A l'égard de ceux qui sont dans Prague, mal nourris de chair de cheval, je ne sais pas ce qu'on en fera. Il n'y a pas d'apparence que le prince Charles imite la retraite des dix mille du maréchal de Belle-Isle. Le pain n'est pas à bon marché dans votre armée de Vestphalie. Vous me croyiez un auteur tragique 5, et je ne suis qu'un gazetier. Mon très-cher ange, je vous aime de tout mon cœur, et je me dépite bien souvent d'être si loin de vous. »
1 Louise-Elisabeth-Jacqueline d'Alsace de Hénin-Liétard de Saint Phal, épouse de Joseph-Gabriel-Tancrède de Félix, marquis de Muy . Voir lettre à Thieriot du 14 octobre 1756 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/08/25/pendant-que-tronchin-conserve-la-vie-a-trois-ou-quatre-perso.html
2 Iphigénie en Tauride, jouée avec un grand succès le 4 juin, est de Claude Guimond de La Touche, né en 1723, mort en 1760. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Guimond_de_La_Touche
3 Tragédie de Colardeau, représentée le 27 février 1758, retardée à cause de l''attentat de Damiens . D'Argental devait avoir lu la pièce en manuscrit . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Pierre_Colardeau
5 La Correspondance littéraire de Grimm et Diderot, en mai 1757, parle d'une tragédie de Saladin, dont s'occupait, disait-on, Voltaire; mais il n'en existe aucune trace.
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