23/02/2013
J'ose penser que cet homme sage attendra, il sait qu'on n'accommode guère les procès que quand les deux parties n'ont plus d'argent pour plaider
... Les plaideurs finissent souvent à poil, les avocats s'engraissent, la justice rame et ramasse .
Quelques cas exceptionnels , style Tapie, mais tout le monde n'est pas fortuné à ce point .
« A M. Jean-Robert TRONCHIN
à Lyon
Lausanne, 20 décembre [1757].
Vous savez mon cher monsieur, la nouvelle victoire du roi de Prusse 1 les cinquièmes jours du mois lui sont favorables. M. le maréchal Keith, qui m'écrit du 8 au milieu de ses-montagnes, ne me mande point que les Prussiens aient repris Breslau, comme on le dit.
Ce qu'il y a de plus triste, et ce que je ne veux pas croire, c'est qu'une lettre de l'armée de Richelieu parle aussi d'une bataille que nous venons de perdre contre les Hanovriens 2. Si malheureusement cette nouvelle se confirme, voilà cent mille hommes et deux cents millions de perdus, comme dans la guerre de 1741. Dans ces circonstances malheureuses, vous m'avouerez que les affaires générales seraient plus difficiles à ajuster que des billets de confession. Peut-être le résultat de tant de vicissitudes sera que la cour de France aurait pu donner la paix, il y a quatre mois, et ne pourra pas même la recevoir dans deux.
Dieu veuille que la nouvelle de la prétendue défaite de M. de Richelieu soit sans fondement, et que les prophéties de madame la margrave soient fausses . Ses desseins sont plus agréables que ses prophéties. Elle ne respire que la paix. Le chaos serait beau à débrouiller. Il serait bien rare de s'accommoder avec le roi de Prusse sans se brouiller avec l'impératrice, et de rester maître du Hanovre sans avoir à craindre le roi de Prusse. Mais je crois que les d'Ossat 3 et les Richelieu auraient peine à résoudre un pareil problème. Qui en sait plus qu'eux tous le résoudra. Mais il y a sur les bords de notre Rhône, et près de la. cathédrale où vous n'allez point, un homme 4 qui peut-être est le seul capable dans l'Europe de voir et de faire ce qui est convenable. J'ose penser que cet homme sage attendra, il sait qu'on n'accommode guère les procès que quand les deux parties n'ont plus d'argent pour plaider.
Me voici à Lausanne toujours sur les bords de mon lac dans une maison charmante qui même pourrait se passer de vos baguettes dorées que j'attends . J'y jouis d'un repos que je souhaite à quiconque est sur le Veser, sur l'Elbe ou sur l'Oder . Ma nièce et moi nous vous embrassons de tout notre cœur . »
1 Celle de Lissa ou Leuthen le 5 décembre 1757 près de Breslaw , entre le roi de Prusse et le prince Charles, qui est battu. La ville de Breslaw est obligée de se rendre aux Prussiens, qui reprennent ensuite une bonne partie de la Silésie, dont les Autrichiens s'étaient rendus maîtres. Dans l'espoir de prendre ses quartiers d'hiver en Silésie, le prince Charles et Daun avaient marché sur Leuthen, mais Frédéric II prévoyant ce mouvement manœuvra si bien que le 19 décembre il défit les Autrichiens tuant ou faisant prisonniers 53000 hommes sur un total de 90000, n'ayant lui-même que 40000 hommes combattant .
Le prince Charles-Joseph de Ligne (1735-1814), alors jeune officier au service d’Autriche, prit part aux campagnes en Europe centrale et fut mêlé de fort près à de nombreux combats ; voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Joseph_de_Ligne
3 Célèbre diplomate, né en 1536, mort en 1601 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Arnaud_d%27Ossat
14:47 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.