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04/11/2013

Tout amoureux que je suis de ma liberté, cette maîtresse ne m'a pas assez tourné la tête pour me faire renoncer à ma patrie

... La fortune est une maîtresse bien plus puissante et agissante car elle fait renoncer, sans barguigner, à toute nation un peu gourmande fiscalement .

La patrie se limite alors à un numéro de compte bien garni qui est loin d'éveiller tout sentiment d'affection désintéressée , ce que je conçois fort bien, n'étant pas plus, moi-même, amoureux de ma banque . Sans  doute le montant de ma fortune est-il trop modeste (j'ai assez d'encre dans mon stylo pour en noter le montant d'un seul coup !) pour me tourmenter à savoir comment l'augmenter par des placements mirifiques . On ne dira jamais assez la beauté du métier de fiscaliste , grand prêtre d'une religion universelle au dieu i/unique : l'argent . Où est la liberté de l'aliéné au portefeuille ? Je ne m'appesantis pas sur son sort, car j'ai plus de peine en me demandant où est la liberté du pauvre .

Autres aliénations

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Où est la liberté ?


Petit aparté : j'ai revu avec plaisir Un singe en hiver, et , ô merveille et surprise sur prise, devinez qui j'ai vu en buste dans le pensionnat de jeunes filles que l'on mêne en bon ordre à la messe ? Voltaire ! Je dis bravo à l'accessoiriste qui volontairement ou non rend hommage à l'anticlérical philosophe , à moins que ce ne soit un trait d'humour du réalisateur . Si quelqu'un peut m'en dire plus sur cet élément de mise en scène , d'avance merci .

A ceux qui me diront que je vois Voltaire partout, je répondrai "Oui ! mais pas assez encore "

 

 

 

« A Maurice PILAVOINE 1

à SURATE.

Aux Délices, près de Genève, le 25 septembre [1758]

Je suis très flatté, monsieur, que vous ayez bien voulu, au fond de l'Asie, vous souvenir d'un ancien camarade 2. Vous me faites trop d'honneur de me qualifier de bourgeois de Genève. Tout amoureux que je suis de ma liberté, cette maîtresse ne m'a pas assez tourné la tête pour me faire renoncer à ma patrie. D'ailleurs, il faut être huguenot pour être citoyen de Genève, et ce n'est pas un si beau titre pour qu'on doive y sacrifier sa religion. 3 Cela est bon pour Henri IV, quand il s'agit du royaume de France 4, et peut-être pour un électeur de Saxe, quand il veut être roi de Pologne mais il n'est pas permis aux particuliers d'imiter les rois.

Il est vrai qu'étant fort malade je me suis mis entre les mains du plus grand médecin de l'Europe, M. Tronchin, qui réside à Genève, je lui dois la vie. J'ai acheté dans son voisinage, moitié sur le territoire de France, moitié sur celui de Genève, un domaine assez agréable, dans le plus bel aspect de la nature. J'y loge ma famille, j'y reçois mes amis, j'y vis dans l'abondance et dans la liberté. J'imagine que vous en faites à peu près autant à Surate du moins je le souhaite.

Vous auriez bien dû, en m'écrivant de si loin, m'apprendre si vous êtes content de votre sort, si vous avez une nombreuse famille, si votre santé est toujours ferme. Nous sommes à peu près du même âge, et nous ne devons plus songer l'un et l'autre qu'à passer doucement le reste de nos jours. Le climat où je suis n'est pas si beau que celui de Surate, les bords de l'Inde doivent être plus fertiles que ceux du lac Léman. Vous devez avoir des ananas, et je n'ai que des pêches; mais il faut que chacun fasse son propre bonheur dans le climat où le ciel l'a placé.

Adieu, mon ancien camarade je vous souhaite des jours longs et heureux, et suis, de tout mon cœur, votre, etc. »

1 Maurice Pilavoine, membre du conseil de compagnie des Indes, avait appris à « balbutier du latin » avec Voltaire. Il était probablement né à Surate, mais, en 1758, il habitait Pondichéry. (Clogenson .)Voir lettre du 23 avril 1760 à Pilavoine, page 264 : http://books.google.fr/books?id=KcNCAAAAYAAJ&pg=PA265&lpg=PA265&dq=maurice+pilavoine+1758&source=bl&ots=DdkzKWQFIu&sig=ni9Xz230wiOhd3YO0TBJczfsqYI&hl=fr&sa=X&ei=0Kh3UqqZLYHK0QWksYGwAg&ved=0CDgQ6AEwAw#v=onepage&q=maurice%20pilavoine%201758&f=false

2 La lettre de Pilavoine du 15 février 1758 est conservée . Elle évoque le temps de l'adolescence et des études à la suite de la venue du chevalier Baudouin de Soupir aux Indes ; Pilavoine pris de court par le départ d'un vaisseau pour l'Europe, laisse à Soupire le soin de parler de lui à V* à son retour . Voir lettre du 5 mai 1758 à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/08/13/temp-730764030724aa25304863c3dc168051-5140487.html

Voir aussi : http://www.e-corpus.org/cat/notices/73751-Questions-militaires-sur-l-Inde-par-le-chevalier-de-Soupire-%5B135%5D-repondues-par-le-sieur-Maissin-capitaine-d-infanterie-.html

3 Depuis « cela est bon ... », ce passage de manuscrit est d'une écriture différente ; il a été supprimé, puis restitué .

4 « Paris vaut bien une messe ! »

 

Commentaires

Vous me donnez envie de revoir ce film.

Je suis comme vous, Mister James, il me semble voir Voltaire de partout... mais c'est parce qu'il est partout ! :)

J'ai lu récemment un commentaire, sur Internet, qui disait que Voltaire avait été le plus bel homme de son époque ; je partage cet avis et suis fortement convaincue qu'il a dû faire craquer pas mal de dames ... et aussi un certain Frédéric (pour ne pas le citer) :)

Bonne journée à vous.

Écrit par : lovevoltaire | 05/11/2013

Les commentaires sont fermés.