07/12/2014
Rien n'est si cher que de rendre justice
...
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
30 novembre [1759]
Un Suisse comme moi, mon cher correspondant ne connait ni les Beaujon 1 ni les Gaussen 2 ni rien de la marine . Je prie Dieu seulement que notre marine ne soit pas anéantie . Et je vous félicite de ne point souffrir de toutes les secousses que le royaume vient d'éprouver .
Le vin de Beaujolais me consolera un peu . Je vous fais mes remerciements ; vous mangez donc à cul noir comme toute la France 3. Il n'y a sorte de bontés que vous n'ayez pour moi . Le libraire Laroche prétend qu'il m'envoie l'ordonnance des eaux et forêts . S'il l'a envoyée je vous supplie de vous en faire informer . Il me faudrait aussi l'ordonnance criminelle 4 attendu que l'on juge à présent un procès criminel dans mes terres . Rien n'est si cher que de rendre justice .
J'ai pensé il y a quinze jours qu'il était bon d'acheter actions sur les fermes quand elles étaient à 600 . Le fonds est sûr . Je crois que 30000 livres ne seraient pas mal employées dans dans cet effet . Mais il faudrait vendre annuités et loteries 5, et je les crois actuellement invendables . Ne reprendront-ils pas faveur si M. de Montmartel règne sous le nom de M. Bertin 6? Mais alors les actions des fermes ne hausseront-elles pas aussi ? qu'en pensez-vous ? que me conseillez-vous ? Je commence à être bien pauvre . Je vous embrasse tendrement .
V. »
1 Nicolas Beaujon était un banquier chargé des comptes de la Marine .
2 Jean-Pierre Gaussen était un banquier genevois établi à Londres .
3 Voir lettre du 24 novembre 1759 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/01/a-force-d-aller-mal-tout-ira-bien-5501515.html
4 L'édit d'août 1670 ; voir Lavisse, Histoire de France, 1905, VII, I, 291-292 .
5 Billets a été ajouté au-dessus de la ligne .
6 A propos du remplacement de Silhouette par Bertin , De Brosses écrivait à V* vers le 20 novembre 1759 : « Le contrôleur général branle au manche . On parle beaucoup de M. Joly de Fleury ». Et Thieriot, le 28 : « Vos espérances et les nôtres sur l'administration de M. de Silhouette se sont bientôt évanouies […] . Le roi a forcé M. Bertin de prendre le contrôle général . Il ne l'a accepté qu'en demandant un conseil qu'il se formera de quatre personnes choisies . » Bertin succéda à Silhouette le 21 novembre 1759 .
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