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27/02/2016

attendu que j'ai été assigné en témoignage, et qu'il faut qu'un témoin ait l'air impartial

... Tout comme moi dans ce blogounet !

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Seul témoin vraiment impartial .

 

« A Antoine-Jean-Gabriel Le Bault

Conseiller du Parlement

à Dijon

Au château de Ferney 8è mars 1761

Monsieur, je vous prie d'avoir la bonté de m'informer par quelle voie vous m'envoyez de votre nectar de Bourgogne . Cela m'est important, parce que je crois qu'il y a des droits à payer pour la sortie de France ; et il serait triste de payer quand on est bon français et surtout quand on est bourguignon comme j'ai l'honneur de l'être . Il est vrai que je suis séparé de vous par d'abominables montagnes ; et je crois que votre vin fait le grand tour, et arrive par Versoix . Je vous serai très obligé de vouloir bien me mettre au fait de la géographie de mes deux tonneaux .

Cette affaire est plus agréable que celle de ce maudit curé 1. Je sais fort bien, monsieur, que votre tribunal n'a rien à démêler avec celui de la confession, et qu'il y a une différence énorme entre la justice que vous rendez, et l'abus que les jésuites font quelquefois de ce beau sacrement de pénitence . Je me doute bien qu'on ne peut que les tympaniser, et non les actionner ; mais je ne veux point prendre parti dans cette affaire, attendu que j'ai été assigné en témoignage, et qu'il faut qu'un témoin ait l'air impartial . Ce beau procès ira sans doute au parlement . Cela apprendra du moins aux curés du petit pays de Gex à ne point aller battre les femmes chez elles pendant la nuit ; Jésus-Christ ne les battait point ; je me flatte que le parlement de Bourgogne ne souffrira chez les prêtres, ni les billets de confession, ni les coups de bâton .

Cependant buvons ; mille respects à Madame Le Bault, et avec les mêmes sentiments

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

1 Le père Joseph Fessy avait écrit une longue lettre de justification à Le Bault le 25 février 1761, en reprenant de son point de vue tous les éléments de l'affaire de Croze-Ancian, et en soulignant par d'autres références la haine de Voltaire à l'égard du clergé et des jésuites . En ce qui concerne le refus d'absolution, il écrit : « La fille de de Croze s'est présentée à moi en confessionnal, je l'ai écoutée, je lui ai dit ce qu'exigeait mon ministère, je ne sais rien de plus et je n'ai plus rien à dire […] On m'avait déjà tendu un piège le lendemain de la fête des Rois ; on m'attendit […] à Saconex […] on voulait me prier de passer chez [de Croze] à mon retour de Genève, dans le temps qu'on disait de Croze fils mourant , afin de me faire ensuite assigner en justice pour rendre témoignage de l'état prétendu désespéré dans lequel le jeune homme aurait feint de se trouver . Ce projet ne réussit pas parce que je fus obligé de rester à Genève ce jour-là et plusieurs jours de suite , et qu'avant que je pusse repasser par Saconex le prétendu assassiné se portait à merveille . Il fallut donc se retourner autrement, et comme on ne voulait pas me manquer, voici comment on s'y prit […] Je vais tous les samedis au soir d'Ornex à Genève pour y aider à desservir le dimanche la chapelle du roi . En y allant je passe par Saconex où je confesse les sœurs grises qui y ont un établissement . La fille aînée de de Croze , qui selon le bruit public gouverne tout dans la maison de son père, et a tout crédit sur son esprit, cette fille qui, de sa vie , ne s’était venue confesser à moi, y vint pour le première fois le samedi 24 janvier ; je l'écoutai, je continuai ensuite ma route, et me rendis à Genève à nuit tombante […] Dès le lendemain dimanche 25 janvier […] M. de Voltaire […] se hâte de faire faire des copies du billet de de Croze, ou plus probablement en fabrique lui-même un , au nom de de Croze, dans lequel il dépeint tragiquement la douleur du père, qui se plaint à lui, son unique protecteur […] [du refus] que le père Fessy, jésuite d'Ornex, avait fait de l'absolution de sa fille, jusqu'à ce qu'elle eût engagé son père à rétracter la plainte qu'il avait fait imprimer contre le curé de Moens . M. de Voltaire fait faire par son secrétaire et par d'autres personnes qui se trouvaient chez lui une foules de copies de ce billet, il en distribue à huit ou dix personnes qui dinaient chez lui, et à quatre heures après midi il y en avait dans toutes les meilleures maisons de Genève et qui avaient été portées par ses gens . » Plus loin , Fessy dit : « Je ne m'arrête pas à vous faire remarquer le tour digne du plus bas farceur, par lequel il substitue à mon nom de baptême, qui est Joseph, le nom de Jean, pour faire avec celui de Fessy un composé dans le goût sublime du théâtre de la foire, ou des gentillesses de La Pucelle . »

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