27/11/2016
il n'y a pas encore de loi qui ordonne de trousser les femmes dans les bureaux
... NDLR .- Encore un titre accrocheur, quasi provocateur, James, nous ne vous félicitons pas .
-- Serait-ce le "pas encore" qui vous fâche ? si oui, retombez sur terre, l'humour et le sens pratique voltairien sont ici encore montrés , simplement .
Messieurs, comptez vos abattis !
« A Daniel-Charles de Trudaine 1
[vers le 20 novembre 1761] 2
Monsieur, en attendant que nos syndics aient l'honneur de vous envoyer notre mémoire en forme, permettez que je vous supplie de lire la lettre que j'écris à M. Bouret 3, mon ami, frère de M. d'Érigny 4, notre ennemi .
Il est avéré monsieur que ce sont deux ou trois regrattiers de sel qui craignant de perdre leurs emplois soulèvent quelques fermiers généraux contre votre arrangement et contre vos ordres .
Je peux vous assurer monsieur qu'il n'y a pas un mot de vrai dans le mémoire de M. d'Érigny adressé à monsieur le contrôleur général, sinon que tous nos paysans font et feront toujours la contrebande du sel et du tabac . Trois cents gardes ne l'empêcheraient pas, attendu que toutes les femmes qui vont à Genève mettent du sel et du tabac dans leur chemise, et qu'il n'y a pas encore de loi qui ordonne de trousser les femmes dans les bureaux des fermes .
C'est donc pour prévenir cette contrebande, c'est pour épargner aux fermiers généraux des frais immenses et inutiles, et en même temps pour favoriser notre petit pays, que vous avez monsieur ordonné très sagement le sel forcé sur les représentations mêmes des fermiers généraux .
Vous verrez monsieur en jetant un coup d’œil sur ma lettre à M. Bouret, quels prétextes frivoles on emploie pour désavouer vos volontés .
Je suis persuadé qu'indépendamment de votre autorité, vous pourrez aisément faire entendre raison à M. d'Érigny . Il verra qu'on l'a trompé ; et il se rendra à vos raisons .
J'ignore monsieur si c'est vous ou monsieur votre fils 5 qui traite cette affaire . Je présente mon respect et ma requête à l'un et à l'autre .
Je crois que c'est ici une affaire de conciliation . L'objet n'est presque rien pour les fermes du roi, et est pour nous d'une extrême importance . Je sens bien que nous sommes perdus si les fermiers généraux s'obstinent à vouloir se tromper, mais si vous daignez nous protéger, et parler, nous sommes sauvés .
J'ai l'honneur d'être avec beaucoup de respect et d'attachement
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel-Charles_Trudaine
2 Mentions sur le manuscrit : « Rép[on]se du 2 décembre 1761 » et « n°3752 » . Trudaine affirmera dans sa réponse son désir de « voir terminer l'arrangement projeté pour le pays de Gex. »
3 Voir lettre du même jour à Bouret : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/11/26/traitez-nous-comme-notre-situation-le-demande-et-comme-la-na-5879322.html
4 François Bouret d'Érigny ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne-Michel_Bouret
5 Jean-Charles de Trudaine de Montigny : https://fr.wikipedia.org/wiki/Philibert_Trudaine_de_Montigny
et : http://data.bnf.fr/12244308/jean-charles-philibert_trudaine_de_montigny/
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