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19/07/2017

il n’avait pu passer chez moi parce qu’il a sa femme ; mais certainement je ne lui aurais pas pris sa femme

... Je peux vous l'assurer . Mme *** n'est pas mon genre et je ne briserai en aucun cas le couple de M.*** . Voilà ! Quant à savoir de qui il pourrait s'agir, je vous laisse maîtres de l'identification .

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« Au marquis Francesco Albergati Capacelli

senatore di Bologna

à Bologna

25è auguste 1762, aux Délices 1

Le caro Goldoni, le figlio della natura 2 veut donc, monsieur, me laisser mourir sans me donner la consolation de le voir. Il m’a écrit de Lyon qu’il n’avait pu passer chez moi parce qu’il a sa femme ; mais certainement je ne lui aurais pas pris sa femme, et je les aurais reçus tous deux avec autant d’empressement qu’il le sera partout ailleurs. Il m’a mandé que de Lyon il allait à Paris, mais il ne m’a pas donné d’adresse ; ainsi je ne sais où lui répondre.

Je suis tout à fait angustiato 3. Vous m’étonnez, monsieur, de m’apprendre que vous voulez ressusciter en Italie la tragédie Idoménée 4, qui est morte à Paris dès sa naissance, il y a quelque soixante ans. C’est un des plus insipides ouvrages qu’on ait jamais donnés au théâtre, et aussi mal écrit que mal conduit. Assurément Phèdre et Polyeucte seraient bien étonnés de se trouver en pareille compagnie. Non, vous ne serez pas comme ceux qui tiennent table ouverte, et qui reçoivent également les gens aimables et les importuns.

Dieu a béni votre théâtre, et n’a pas accordé au mien beaucoup de faveur cette année. J’ai été si malade, qu’il m’a fallu quitter le château de Ferney pour aller aux Délices près de Genève, et pour être longtemps entre les mains des médecins. Pendant ce temps-là, vous donniez de belles fêtes ; et il vous est plus aisé de trouver des acteurs à Bologne, qu’à moi d’en trouver à Genève. Bologna la dotta 5 vaut mieux que Genève la pédante, où il n’y a que des prédicants, des marchands, et des truites ; je ne m’accommode pas tout à fait de cela, moi qui aime mieux une bonne tragédie qu'un sermon . Ce que nous avons de plus agréable dans ce pays-ci, c’est que nous sommes instruits les premiers de toutes les sottises sanguinaires qui se passent dans le Nord. Nous sommes tout juste entre la France, l’Allemagne, et l’Italie ; et on ne tue personne vers Dresde que nous ne le sachions les premiers. Avec tout cela j’aimerais beaucoup mieux avoir bâti un château vers Bologna que vers les Allobroges, et être votre voisin que celui des Savoyards ; mais Dieu n’a pas voulu que je visse la belle Italie. Il faut que je vive et que je meure où je suis . J’y vivrai et j’y mourrai plein d’estime et de respect pour vous.

V. »

1 L'original porte la mention « fco Milano » ; l'édition de Kehl est peu soignée comme la copie Beaumarchais ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1762-partie-24-123150901.html

2 Le cher Goldoni, l'enfant de la nature .

3 En peine .

4 Idoménée, tragédie de Crébillon avait été jouée en décembre 1705 et n'avait jamais été reprise . Une note du manuscrit et de l'édition précise : « Idoménée fut traduit par MM. Paradisi et Albergati, non par choix, mais par complaisance . »

5 « Bologne la docte » souvenir de Culta Bonomia, de Martial, Épigrammes, III, IX, 1 .

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