Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/02/2018

nous serons plus flattés du bienfait que de la somme

... peuvent dire certains candidats à la présidentielle, du moins ceux qui ont le moins triché :

http://www.lepoint.fr/presidentielle/comptes-de-campagne-...

 Ce sont quand même des sommes qui font dresser les cheveux quand on pense que ce sont nos impôts qui les payent et qu'on est au SMIC .

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

Aux Délices par Genève, 7è mars 1763 1

Madame, je suis bientôt près de quitter ce monde dont vous faites l’ornement. Je ne m’intéresse guère à lui qu’en cas qu’il y ait encore quelques âmes comme la vôtre. Le roi de Prusse y joue un grand rôle, et je crois que Votre Altesse Sérénissime n’a pas été fâchée qu’il ait résisté à la maison 2 qui vous a fait perdre votre électorat . Il a acquis une gloire immortelle. Je connais une nation qui ne pourra pas dire autant d’elle ; mais on dit, que nous avons à Paris un opéra-comique, qui est fort bon, et cela suffit. Si nous n’avons pas vaincu tous nos ennemis, nous avons du moins chassé les jésuites ; c’est un assez beau commencement de raison ; nous finirons peut-être par nous en tenir à Jésus-Christ ; mais je serai mort avant que ce bienheureux jour arrive.

Les Calas, dont Votre Altesse Sérénissime a vu les mémoires, obtiennent enfin justice ; et le conseil du Roi ordonne qu’on revoie leur procès. C’est une chose très rare en France que des particuliers puissent parvenir à faire casser l’arrêt d’un parlement, et il est presque incroyable qu’une famille de protestants, sans crédit, sans argent, dont le père a été roué à un bout du royaume, ait pu parvenir à obtenir justice.

Nous sommes obligés de faire une collecte en faveur de ces infortunés . Les frais de justice sont immenses. Si Votre Altesse Sérénissime veut se mettre au rang des bienfaiteurs des Calas, elle sera au premier rang, et nous serons plus flattés du bienfait que de la somme, qui ne doit pas être considérable.

J’apprends que pendant que tout le monde est en paix, votre maison est en guerre pour la principauté de Meiningen 3; je me flatte que votre guerre ne sera pas longue, et que vous la finirez comme le roi de Prusse, en jouissant de tous vos droits. J’ai eu l’honneur de voir autrefois feu M. le prince de Meiningen 4 ; je vous assure que sa cour n’était pas si brillante que celle de Gotha.

Je ne sais point, madame, où demeure madame la comtesse de Bassevitz, qui vous est si attachée ; il faut absolument que je lui écrive, et je ne sais comment faire sans avoir recours à Votre Altesse Sérénissime. Je la supplie de permettre que je prenne la liberté de mettre la lettre dans ce paquet. On nous a fait espérer, madame, que nous aurions après la paix, messieurs les princes vos enfants, dans notre voisinage . J’aurai du moins la consolation de faire ma cour à la mère dans la personne de ses enfants.

Je me mets aux pieds de toute votre auguste famille, et je suis avec le plus profond respect, et l'attachement le plus inviolable ,

madame

de Votre Altesse Sérénissime

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

En qualité d’aveugle, je demande à la grande maitresse des cœurs, des nouvelles de ses yeux .

1 Le post scriptum manque dans les éditions . La duchesse a annoncé la paix à V* le 19 février 1763 : « … vous entendrez avec plaisir monsieur la bonne nouvelle de la paix entre l'impératrice, la Saxe et le roi de Prusse. Les articles définitifs ont été signés et publiés le 15 du courant à Hubertsbourg . […] Je ne me souviens pas d'un événement qui m'aie transportée et remuée à ce point […] Le roi recouvre par ce traité toutes les provinces qu'il possédait avant cette funeste guerre et la base de ce traité sont ceux de Breslau et de Dresden tous favorables à ce monarque […] le roi de Prusse […] se tire d'affaire le plus glorieusement du monde sans perdre un pouce de terre […] Mais il fallait aussi une tête comme la sienne, un génie et un héroïsme au dessus de tout […] . »

2 La maison d'Autriche .

3 Ici et deux ligne plus loin, le mot est écrit par Wagnière Memungen, transcrivant une note de V* .

4 Antoine-Ulrich, qui est mort quelques semaines plus tôt .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine-Ulrich_de_Saxe-Meiningen

Les commentaires sont fermés.