15/03/2018
je crains les œuvres posthumes.
... David Halliday a les mêmes craintes que Voltaire ! qui l'eut cru ?
Look at my back !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
21 mars [1763] , aux Délices 1
Mes anges croient recevoir un gros paquet de vers, mais ce n’est que de la prose. Cette prose vaut mieux que des vers ; c’est un projet d’éducation que M. de La Chalotais doit présenter au parlement de Bretagne, et sur lequel il m’a fait l’honneur de me consulter. Si mes anges veulent le parcourir, je crois qu’ils en seront contents. Je vous supplie de vouloir bien le lui renvoyer contre-signé, soit duc de Praslin, soit Courteilles.
Si le procureur-général de Toulouse avait fait de tels ouvrages, au lieu de poursuivre la mort de Jean Calas, je le bénirais au lieu de le maudire.
Je ne sais point encore quel parti prendra mademoiselle Clairon. Je lui ai offert un logement chez moi, car assurément elle n’en trouverait pas à Genève, et cette ville à consistoire n’est pas trop faite pour une comédienne. M. Tronchin prétend que le voyage peut lui être funeste dans l’état où elle est. Il assure de plus qu’elle ne peut jouer d’une année entière sans être en danger de mort. La comédie va être abandonnée . La nôtre l’est aussi. Madame Denis est toujours malade, et je suis plus misérable que jamais. Ma consolation est la journée du 7 mars, ce conseil d’État de cent personnes, ce qui ne s’était jamais vu, cet arrêt qui est déjà la justification des Calas, cette joie du public, et ce cri unanime contre le capitoul David. Tous ces David me déplaisent, à commencer par le roi David, et à finir par David le libraire 2.
Mes anges ont-ils trouvé quelque gros marguillier de Saint-Eustache qui ait déterré l’extrait baptistaire d’un Corneille, fils d’un Pierre Corneille, gentilhomme ordinaire du roi, et d’une Le Cochois ? Il ne m’est point venu de nouveaux Corneille ; mais s’il m’en venait, ils ne m’ennuieraient pas plus que la Sophonisbe du grand Pierre, que je fais actuellement imprimer. Je ne sais si je vivrai assez longtemps pour finir cet ouvrage. Je presse Cramer tant que je peux, car j’aime à corriger des épreuves, et je crains les œuvres posthumes.
Je présente mes tendres respects à mes anges, et je leur demande pardon du gros paquet. »
1 Le même jour, le conseil de Genève consigna dans ses minutes : « M. l'ancien synd[ic] [Michel] Lullin de Châteauvieux ayant rapporté qu'on débite depuis quelques semaines dans Genève une brochure sous le titre de Lettres toulousaines, que cet ouvrage imprimé en pays étranger, contient plusieurs traits imprudents, injurieux au parlement de Toulouse, et qui bien loin de servir aux protestants de France pourraient leur être nuisibles ; arrêté que les sieurs scholarques mandent les libraires et imprimeurs, et qu'ils leur défenent de faire venir et d'exposer le susdit ouvrage en vente . » . Voir lettre du 14 mars 1763 à Moultou : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/03/01/j-espere-beaucoup-du-pouvoir-que-votre-aimable-eloquence-doi-6030467.html
2Les ayant -droit de celui-ci s'opposaient alors à l'annonce du Théâtre de Corneille commenté par Voltaire, en s'autorisant d'un privilège . « David le libraire » était associé de Didot dès avant 1743 ; voir : http://data.bnf.fr/12397524/michel-etienne_david/
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_David_(imprimeurs)
et : http://www.bibliotheque-institutdefrance.fr/sites/default/files/les_didot.pdf
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