15/03/2018
On dira peut-être qu’il faut attendre que le procès soit fini ; non, il ne faut point attendre
... Les fans de Johnny crèvent d'envie d'écouter les derniers enregistrements de leur idole, et ils se fichent bien que quelques millions d'euros, habilement placés pour éviter l'érosion fiscale, aillent à l'un plutôt que l'autre membre de la tribu Smet-Halliday . Quant à moi, je m'en brosse le nombril avec le pinceau de l'indifférence .
Les avocats, en choeur, se régalent : " A tort ou à raison / Nous aurons du pognon ! "
« A Claude-Henri de Fuzée de Voisenon
Aux Délices, 19 mars 1763 1
En qualité de quinze-vingts, je vous prie à tâtons, mon cher confrère, de me rendre un très grand service. Vous m’avez fait un si bel éloge de Mme la duchesse de Gramont, vous me l’avez peinte d’un esprit si solide et d’un cœur si généreux, que votre enthousiasme m’a enhardi à lui demander une nouvelle grâce après toutes celles qu’elle a daigné m’accorder . J’abuse extrêmement, il est vrai de ses bontés ; mais il faut qu’elle m’accorde ce que je lui demande. C’est de se joindre à Mme de Pompadour, ou plutôt de joindre Mme de Pompadour à elle, pour obtenir du roi une aumône en faveur de la pauvre veuve Calas. Je dis une aumône sur sa cassette ; la plus légère, la plus mince nous suffira, et s’il n’a point d’argent, il faut qu’on lui en prête pour faire cette bonne œuvre. J’ai dans l’idée que l’Europe battrait des mains, que les protestants et catholiques applaudiraient, que tous les cœurs seraient touchés, que cette seule marque de bonté de la part de Sa Majesté ouvrirait les yeux à je ne sais combien de sots huguenots qui croient toujours qu’on veut les manger sur le gril , comme saint Laurent 2.
Je m’adresse à vous, mon cher petit évêque [Voisenon, qui fit son discours de réception à l’Académie française le 22 janvier, signait « évêque de Montrouge » parce qu’il fréquentait la maison du duc de La Vallière à Montrouge], avec la plus grande confiance, et je recommande cette petite négociation à votre humanité, à l’amitié dont vous m’honorez depuis si longtemps et à votre discrétion. Volez chez Mme la duchesse de Gramont, quand vous seriez asthmatique. Dites-lui que je vous ai fait confidence de l’extrême liberté que j’ai osé prendre avec elle ; que j’en suis bien honteux, que je lui en demande bien pardon ; mais faites réussir mon affaire, ayez-en la gloire ; je le dirai à tous les huguenots. N’aurez-vous pas d’ailleurs bien du plaisir à donner cet énorme soufflet aux huit juges de Toulouse, qui ont fait rouer, pour s’amuser, le père de famille le plus vertueux et le plus tendre qui fut dans ce pays des Visigoths ? D’ailleurs il y a une des filles assez jolie, qui s’est évanouie deux fois à Versailles, il faut que le roi lui donne de quoi acheter de beau point de la reine de Hongrie.3 Faites mon affaire, mon charmant confrère, Dieu vous bénira, et moi je vous adorerai.
Voltaire
On dira peut-être qu’il faut attendre que le procès soit fini ; non, il ne faut point attendre ; quand même Calas aurait pendu son fils, il faudrait encore soulager la veuve ; vingt personnes l’ont fait, pourquoi le roi ne le ferait-il pas ? en un mot, réussissez.
Donnez votre bénédiction à Voltaire. »
1 A cette époque, Moultou tentait de réconcilier JJ Rousseau et V*, à l'indignation du premier . Il lui écrivait le 19 mars 1763 : « [...] je compte d e^partir pour aller vous voir [...] je vous parlerai aussi beaucoup de Voltaire, il a une passion extrême de se réconcilier avec vous, je ne comprends rien à cela . Quelles sont ses vues ? Est-il de bonne foi ? C'est à l'occasion des calas que je l'ai vu, Mme la duchesse de Gramont que j'ai intéressée dans cette affaire m’avait fait charger par mon ami l'abbé Quesnel de conférer sur certaines choses avec lui . Je le vis deux fois , il ne me parla point de vous, mais il y a trois jours qu'il me fit dire qu'il était malade, qu'il avait à me parler, qu'il ne pouvait venir chez moi ; je crus qu'il s'agissait des Calas, il ne me parla que de vous [...] je vous jure que je n'y compris rien, c'est un comédien bien habile , j'aurais juré qu'il vous aimait » ; puis encore, le 23 mars 1763 : « Soyez tranquille sur Volt[aire] : je le reverrai, je le connais, et c'est avec votre réputation qu'il veut se réconcilier [...] »
2 Une telle phrase dévoile certainement l'une des intentions de V* ; cette opinion sur les protestants correspond à celles qu'il exprime vers la même période dans le Pot-pourri .
3 Sans doute un jeu de mot de V*, le point de Hongrie est une dentelle fine ; l'eau de Hongrie est une liqueur qu'on donnait à respirer aux femmes qui avaient des vapeurs . V* fond en une seule les deux expressions . Faut -il penser à l'expression jeter le mouchoir ?
16:57 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.