14/01/2019
l'auteur me semble n'avoir en vue que le bonheur du genre humain, chose à laquelle ne pensent guère ceux qui sont à la tête de quelque parti que ce puisse être de ce pauvre genre
... Chef de parti et président des Français sont effectivement deux choses inconciliables que l'auteur de la "lettre ouverte aux Français" semble reconnaître . A suivre ...
Le Français va pouvoir monter ses talents de râleur et coupeur de cheveux en quatre .
« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey
à Dijon
8è janvier 1764 à Ferney
Je vous jure, mon cher président, que je n'ai envoyé aucun conte à Dijon, excepté un compte à mon procureur, de tout ce que me demande mon curé ; et ce compte est une chose tout à fait différente du conte de Ce qui plait aux dames . Je ne sais comment ce petit amusement a percé dans le monde ; tout ce que je sais, c'est que c'est un conte de ma mère l'Oye, un conte de fées 1.
J'ai ouï dire que ces créatures qui dansaient sur l'herbe, en ne la touchant pas, étaient des fées, et l'académie de Dijon sait sans doute que ces demoiselles dansaient en rond, et qu'elles disparaissaient dès qu'on les regardait . Je ne connait point l'auteur de ce conte, mais je me doute bien qu'il n’acceptera pas les trois vers qu'on lui propose . Si ce petit ouvrage m’était tombé entre les mains, et si je l'avais envoyé à quelqu'un à Dijon, ç'aurait été sûrement à vous .
Il y a un ouvrage plus intéressant qui commence à percer un peu dans le monde ; c'est un essai sur la tolérance ; il y en a très peu d''exemplaires . Si je puis en trouver un , je ne manquerai pas de vous le faire tenir . L'auteur est, à ce que je crois, un protestant assez instruit, qui demande que ses frères puissent cultiver la terre en France, au lieu d'enrichir les pays étrangers . On en a envoyé un à M. de Quintin, votre ami ; priez-le de vous le prêter , et demandez-lui, je vous prie, ce qu'il en pense . Je m’intéresse à cet ouvrage, parce que l'auteur me semble n'avoir en vue que le bonheur du genre humain, chose à laquelle ne pensent guère ceux qui sont à la tête de quelque parti que ce puisse être de ce pauvre genre .
Je croyais M. l’ancien premier président de La Marche à Paris, je le félicite d'être à La Marche, et je vais incessamment lui écrire .
V.
Dites-moi, je vous prie, quel besoin une académie a d'un protecteur, et à quoi un protecteur lui est bon ?2 Le protecteur de l'Académie française lui donne soixante-dix écus par séance, quarante fauteuils de velours, un suisse, du bois, des bougies, le droit de Comittimus 3, c'est du moins quelque chose .
Portez-vous bien, mon très cher président . Je perds la vue, et je perdrai bientôt la vie . Il n'y a pas grand mal à cela . Je vous embrasse de tout mon cœur . »
1 V* décrit ainsi tous les contes récemment écrits ; voir par exemple la lettre du 30 décembre 1763 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/01/01/un-beau-mandement-bien-chretien-bien-seditieux-bien-intolerant-bien-absurde.html
2 Louis-Joseph de Bourbon , prince de Condé est devenu le protecteur de l'Académie de Dijon, ce qui est logique, puisqu'au titre de gouverneur il tient en Bourgogne le rôle de représentant du roi . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_V_Joseph_de_Bourbon-Cond%C3%A9
3 Les membres de l'Académie française partagent avec les princes de sang et quelques autres privilégiés le droit de plaider devant le tribunal de leur choix . Voir Committimus page 237 : https://books.google.fr/books?id=y57VIFOi41MC&printsec=frontcover&dq=comittimus+acad%C3%A9mie+fran%C3%A7aise&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjshOCBuu3fAhXyA2MBHX_lCysQ6AEIKjAA#v=onepage&q=comittimus&f=false
15:27 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.