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10/09/2019

Je ne me console point de voir que ceux qui devraient combattre les uns pour les autres, sous le même drapeau, soient ou des poltrons, ou des déserteurs, ou des ennemis

... Voltaire aurait-il assisté secrètement à "l'université de rentrée" du LREM pour nous en donner un si exact bilan ?

https://www.20minutes.fr/politique/2599519-20190909-pique...

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

21è juillet 1764 1

Mon cher frère, j'espère qu'avant qu'il soit un mois vous aurez quelques exemplaires du livre que vous demandez . Je ne sais si M. Marin a eu l'exemplaire de Corneille que frère Cramer lui avait promis . En cas qu'il n'en ait point pouvez-vous lui en donner un ? Je ne sais encore s'il en reste pour MM. Du Clairon et Chamfort . Ce sont les trois seuls que je vous recommande, supposé que vous ayez des fonds pour ces petites libéralités . On m'a dit qu'une traduction d'une pièce anglaise en trois actes, intitulée Saül et David, se débite à Paris sous mon nom . C'est un libraire nommé Besogne qui a eu cette insolence et cette malice . Je regarde ces supercheries des libraires comme des crimes de faux . On est aussi coupable de mettre sur le compte d'un auteur un ouvrage dangereux que de contrefaire son écriture .

Je me trouve dans des circonstances épineuses, où ces odieuses imputations peuvent me faire un tort irréparable, et empoisonner le reste de ma vie . Je veux bien être confesseur, mais je ne veux pas être martyr . Je vous prie, mon cher frère, au nom de l'amour de la vérité qui nous unit, de vouloir bien faire parvenir cette lettre à M. Marin 2. Il me semble qu'il vaut mieux s'adresser à ceux qui sont à portée de parler aux gens en place, que de fatiguer par des désaveux dans des journaux un public qui ne vous croit pas . C’est un triste métier que celui d'homme de lettres, mais il y a quelque chose de plus dangereux, c'est d'aimer la vérité .

Je ne me console point de voir que ceux qui devraient combattre les uns pour les autres, sous le même drapeau, soient ou des poltrons, ou des déserteurs, ou des ennemis. La folie de Rousseau m’afflige. Est-il vrai que c’est à Duclos qu'il écrivait cette indigne lettre dans laquelle il disait que j’étais le plus violent et le plus adroit de ses persécuteurs ?3 y eut-il jamais une démence plus absurde ? Faut-il mon cher frère, qu'on ait à la fois les fidèles et les infidèles à combattre, et qu'on passe pour un persécuteur tandis qu'on est soi-même persécuté ?4 Tout cela fait saigner le cœur . L’amitié seule d’un philosophe peut guérir ces blessures.

Que dit Gabriel ? Que fait-il ? L'avez-vous bien grondé ?

Ecr l'inf. »

1 L’édition de Kehl suite à la copie Beaumarchais incorpore à une version incomplète de la présente lettre des extraits déformés de la lettre du 24 juillet 1764 . L'effet recherché est toujours le même : dissimuler l'excessive assiduité de la correspondance entre V* et Damilavile . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/08/correspondance-annee-1764-partie-25.html

2 Cette lettre à Marin n'est pas connue . Il s'agit également d'une « lettre ostensible3.

4 V* fait allusion à son affaire des dîmes, qu'il aurait perdue devant la parlement de Bourgogne si on ne l'avait pas déféré au conseil d’État ; dans le même temps on vient de lui rétablir sa pension d'historiographe du roi qu'il n'exerce plus en réalité .