Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/08/2015

on ne prétend point chez nous que l’État doive périr, faute de subsides

... Que tous ceux qui devraient payer l'impôt sur la fortune prennent exemple sur Voltaire .

 

Mis en ligne le 16/11/2020 pour le 14/8/2015

 

 

« A Jean-François Marmontel

chez

Madame de Geoffrin

rue Saint-Honoré

à Paris

13è août 1760

Nous avions été un peu alarmés, monsieur, de certaines terreurs paniques que MM. les directeurs de la poste avaient conçues 1, jamais crainte n'a été plus mal fondée ; M. le duc de Choiseul et Mme de Pompadour connaissent la façon de penser de l'oncle et de la nièce ; on peut tout nous envoyer sans risque ; on sait que nous aimons le roi et l’État ; ce n'est pas chez nous que les Damiens ont entendu des discours séditieux ; on ne prétend point chez nous que l’État doive périr, faute de subsides ; nous n'avons point de convulsionnaires dans nos terres ; je dessèche des marais, je bâtis une église, et je fais des vœux pour le roi ; nous défions tous le jansénistes et tous le molinistes, d'être plus attachés à l’État que nous le sommes ; il est vrai que nous rions du matin au soir, des Pompignans et des Frérons ; mais quoique Lefranc ait épousé la veuve 2 d'un directeur des postes, il ne peut empêcher qu'on ne me donne tous les ordinaires une liste de ses ridicules ; vous pouvez m'écrire en toute sûreté ; le roi ne trouve point mauvais que des amis s'écrivent que Fréron est un bas coquin, et Lefranc un impertinent . Les pauvretés de la littérature n'empêchent pas que M. le maréchal de Broglie ne soit dans Cassel .

Abraham Chaumeix, Jean Gauchat, Martin Trublet 3 ne m’empêcheront pas de donner un beau feu d'artifice à la fin de la campagne .

Mon cher ami, il faut que le roi sache que les philosophes lui sont plus attachés que les fanatiques et que les hypocrites de son royaume, l'univers n'en saura rien, l'univers n'est fait que pour Pompignan ; je vous écris cette lettre en droiture, parce que M. Bouret ne m'a offert ses bons offices que pour de gros paquets . Mandez-nous je vous prie, par qui l'on peut vous sauver dorénavant l'impôt d'une lettre ; dites-moi avec quelle noble fierté l'ami Fréron reçoit le fouet et la fleur de lys qu'on lui donne trois fois par semaine à la comédie . Donnez-nous des nouvelles, surtout de votre situation, de vos dessins et de vos espérances . L'oncle et la nièce s'intéressent également à vous . Présentez mes respects je vous prie à Mme de Geoffrin ; si vous voyez M. Duclos dites-lui , je vous prie, combien je l'estime, et à quel point je lui suis attaché ; mais surtout soyez bien persuadé que vous aurez toujours dans l'oncle et dans la nièce, deux amis essentiels .

Est-il possible qu'il y ait encore quelqu'un qui reçoive Fréron chez lui ? Ce chien fessé dans la rue peut-il trouver d'autre asile que celui qu'il s'est bâti avec ses feuilles ? Est-il vrai qu'il est brouillé avec Palissot , et que la discorde est dans le camp des ennemis ? Contribuez de tout votre pouvoir à écraser les méchants et la méchanceté ; les hypocrites et l'hypocrisie . Ayez la charité de nous mander tout ce que vous saurez de ces garnements, mais comme il faut mêler l’agréable à l'utile 4, parlez-moi de Melpomène-Clairon  ; que fait-elle ? que dit-elle ? que jouera-t-elle ? lui a-ton lu d'une voix fausse et grêle, le triste drame écrit pour la Denéle ?5 Quelque chose qu'elle joue ce sera un beau tapage quand elle reparaitra sur la scène . Adieu, si vous avez envie de faire quelque tragédie venez la faire chez nous ; c'est avec mes frères qu'il faut réciter son office .

Je vous embrasse de tout mon cœur .

V. »

2 Marie-Antoinette-Félicie Grimod Du Fort, née de Caulaincourt . Il semble que V* a d'abord dicté la putain .

3 Le prénom de Martin est fantaisiste .

Les commentaires sont fermés.