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25/06/2022

Le public prend toujours le parti de ceux qui se vengent, et jamais de ceux qui attaquent de gaieté de cœur

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« A Charles Palissot de Montenoy,

à Argenteuil, près

de Paris

par Paris

13è février à Ferney 1

Votre lettre du 3 février, monsieur, a renouvelé mes plaisirs et mes regrets. Quel dommage, ai-je dit, qu’un homme qui pense et qui écrit si bien se soit fait des ennemis irréconciliables de gens d’un extrême mérite, qui pensent et qui écrivent comme lui ! Vous avez bien raison de regarder Fréron comme la honte et l’excrément de notre littérature, mais pourquoi ceux qui devraient être tous réunis pour chasser ce malheureux de la société des hommes se sont-ils divisés 2  et pourquoi avez-vous attaqué ceux qui devraient être vos amis, et qui ne sont que les ennemis du fanatisme ? Si vous aviez tourné vos talents d’un autre côté, j’aurais eu le plaisir de vous avoir, avant ma mort, pour confrère à l’Académie française. Elle est à présent sur un pied plus honorable que jamais : elle rend les lettres respectables.

J’apprends que vous jouissez à présent d’une fortune digne de votre mérite. Plus vous chercherez à avoir de la considération dans le monde, plus vous vous repentirez de vous être fait, sans raison, des ennemis qui ne vous pardonneront jamais. Cette idée peut empoisonner la douceur de votre vie. Le public prend toujours le parti de ceux qui se vengent, et jamais de ceux qui attaquent de gaieté de cœur. Voyez comme Fréron est l’opprobre du genre humain ; je ne le connais pas, je ne l’ai jamais vu, je n’ai jamais lu ses feuilles ; mais on m’a dit qu’il n’était pas sans esprit ; il s’est perdu par le détestable usage qu’il en a fait. Je suis bien loin de faire la moindre comparaison entre vous et lui. Je sais que vous lui êtes infiniment supérieur à tous égards ; mais plus cette distance est immense, plus je suis fâché que vous ayez voulu avoir mes amis pour ennemis. Ah ! monsieur, c’était contre les persécuteurs des gens de lettres que vous deviez vous élever, et non contre les gens de lettres persécutés. Pardonnez-moi, je vous en prie, une sensibilité qui ne s’est jamais démentie. Votre lettre, en touchant mon cœur, a renouvelé ma plaie ; et quand je vous écris, c’est toujours avec autant d’estime que de douleur. »

 

1 Minute avec corrections autographes et mention de la main de V* : « Réponse à M. Palissot, 12 fév[rier] 1766 » ; l'édition Œuvres de M. Palissot, 1788, porte des variantes délibérées, telles que plaintes pour plaisirs à la deuxième ligne .

2 Certains voient dans cette phrase une preuve que les plaintes de Rousseau sur le s persécutions psychologiques subies de la part de V* ne sont pas dénuées de vérité ; ce dernier est en effet accusé de vouloir exclure ses adversaires comme il dit «  de la société des hommes ».

je vous porte mes plaintes et mes désirs

... Mathilde Panot - LFI nourrie au grain par le sire Mélenchon - pérore, se hausse du col et transmet la voix de son maître pour récuser bêtement la première ministre : https://actu.orange.fr/politique/mathilde-panot-accuse-elisabeth-borne-de-vouloir-gouverner-par-effraction-magic-CNT000001PlQ9M.html

C'est vraiment ce qui est le plus important pour améliorer la situation ?

 

 

 

« A Jean-François Marmontel

À Ferney, le 12 février 1767

Mon très cher confrère, vous me mandez que vous m’envoyez Bélisaire, et je ne l’ai point reçu. Vous ne savez pas avec quelle impatience nous dévorons tout ce qui vient de vous. Votre libraire a-t-il fait mettre au carrosse de Lyon ce livre que j’attends pour ma consolation et pour mon instruction ? l’a-t-on envoyé par la poste avec un contre-seing ? Les paquets contre-signés me parviennent toujours, quelque gros qu’ils soient . Enfin je vous porte mes plaintes et mes désirs. Ayez pitié de Mme Denis et de moi. Faites-nous lire ce Bélisaire. Si vous avez rendu Justinien et Théodora bien odieux, je vous en remercie bien d’avance. Je vous supplie de demander à Mme Geoffrin si son cher roi de Pologne ne s’est pas entendu habilement avec l’impératrice de Russie, pour forcer les évêques sarmates à être tolérants, et à établir la liberté de conscience ; je serais bien fâché de m’être trompé. Je suppose que Mme Geoffrin voudra bien me faire savoir si j’ai tort ou raison, qu’elle m’en dira un petit mot, où qu’elle permettra que vous me disiez ce petit mot de sa part. Présentez-lui mon très tendre respect.

Aimez moi, mon cher confrère ; continuez à rendre l’Académie respectable. Ayons dans notre corps le plus de Marmontel et de Thomas que nous pourrons. M. de La Harpe sera bien digne un jour d’entrer in nostro docto corpore 1 ; il a l’esprit très juste, il est l’ennemi du phébus 2, son goût est très épuré et ses mœurs très honnêtes ; il a paru vous combattre un peu au sujet de Lucain 3, mais c’est en vous estimant et en vous rendant justice, et vous pourrez être sûr d’avoir en lui un ami attaché et fidèle. J'espère qu’il ne reviendra à Paris qu’avec une très bonne tragédie, quoiqu’il n’y ait rien de si difficile à faire, et quoiqu’on ne sache pas trop à quoi le succès d’une pièce de théâtre est attaché. Il y en a une 4 qui a eu un grand succès, et qu’on m’a voulu faire lire . J’y suis depuis trois mois, j’en ai déjà lu trois actes ; j’espère la finir avant la fin d’avril. Je ne vous parle point des Scythes, parce qu’on ne sait qui meurt ni qui vit 5. Vous le saurez le mercredi des Cendres, qui est souvent un jour de pénitence pour les auteurs. Mais, sifflé ou toléré, sachez que je vous aime de tout mon cœur.

V.»

1 Dans note docte compagnie ; réminiscence du Malade imaginaire de Molière, intermède III : https://www.youtube.com/watch?v=WgO2OADqK9M

2 Le phébus est une expression ancienne pour désigner un galimatias . Le mot a été remis à la mode au XVIIIè siècle par le Dictionnaire néologique de Pantalon-Phoebus, de Desfontaines, 1726 . Vauvenargues a pris la peine de définir le phébus dans De l'éloquence : « La magnificence de paroles avec de faibles idées est proprement du phébus . »

Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k82618t.texteImage

et : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:%C5%92uvres_de_Vauvenargues_(1857).djvu/73

3 V* songe à l’Épître aux poètes sur les charmes de l'étude, de Marmontel, et aux « Réflexions sur Lucain » de La Harpe, publiées parmi les mélanges littéraires, 1765, dans lesquelles La Harpe critique les vues de Marmontel sur Lucain .

Voir : https://books.google.fr/books?id=X_45AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

et page 257 et suiv. : https://books.google.fr/books?id=LkA0AAAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=snippet&q=marmontel&f=false

Dans le Mercure de juillet (1 et 2), août et novembre 1766, La Harpe avait donné quatre articles sur la traduction, par Marmontel, de la Pharsale de Lucain. : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5773984b.texteImage

4 Le Siège de Calais, par de Belloy.

5 Proverbe ancien qu'on trouve par exemple dans les Agréables Conférences de deux paysans de Saint-Ouen et de Montmorency, : https://data.bnf.fr/fr/14404017/agreables_conferences_de_deux_paysans_de_saint-ouen_et_de_montmorency_sur_les_affaires_du_temps/