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08/12/2025

Je ne puis sur cet article avoir que des probabilités, et je ne puis que me rendre aux probabilités les plus fortes

... C'est tout à fait la situation constatée par chacun des chefs d'Etats pro-ukrainiens qui doivent se dépatouiller des manoeuvres trumpiennes favorisant les poutiniennes .

La paix reste à l'horizon qui comme chacun sait recule autant que l'on avance vers lui .

 

 

« [Destinataire inconnu

[vers 1770] 1

Le solitaire à qui vous avez écrit, monsieur, reçoit souvent des lettres de littérateurs ou d’amateurs qu’il n’a pas l’honneur de connaître. Rarement ces lettres valent la peine qu’on y réponde. La vôtre n’est pas assurément de ce genre ; votre écrit respire la plus saine métaphysique, et si vous n’avez rien puisé dans les livres, cela prouve que vous êtes capable d’en faire un très bon : ce qui est extrêmement rare, surtout dans cette matière.

La liberté, telle que plusieurs scolastiques l’entendent, est en effet une chimère absurde. Pour peu qu’on écoute la raison, et qu’on ne veuille point se payer de mots, il est clair que tout ce qui existe et tout ce qui se fait est nécessaire : car s’il n’était pas nécessaire, il serait inutile. La respectable secte des stoïciens pensait ainsi ; et ce qu’il y a de singulier, c’est que cette vérité se trouve en cent endroits dans Homère, qui soumet Jupiter au destin.

Il existe quelque chose, donc il est un être éternel ; cela est démontré, sans quoi il y aurait un effet sans cause : aussi tous les anciens, sans en excepter un seul, ont cru la matière immortelle.

Il n’en est pas de même de l’immensité ni de la toute-puissance. Je ne vois pas pourquoi il est nécessaire que tout l’espace soit rempli ; et je n’entends nullement ce raisonnement de Clarke : « Ce qui existe nécessairement en un lieu doit exister nécessairement en tout lieu. » On lui a fait sur cela, ce me semble, de très bonnes objections, auxquelles il n’a fait que de très faibles réponses. Pourquoi serait-il impossible qu’il y eût seulement une certaine quantité d’êtres ? Je conçois bien mieux la nature bornée que je ne conçois la nature infinie.

Je ne puis sur cet article avoir que des probabilités, et je ne puis que me rendre aux probabilités les plus fortes. Tout se correspondant dans ce que je connais de la nature, j’y aperçois un dessein ; ce dessein me fait connaître un moteur ; ce moteur est sans doute très puissant, mais la simple philosophie ne m’apprend point que ce grand artisan soit infiniment puissant. Une maison de quarante pieds de haut me prouve un architecte, mais ma seule raison ne peut m’enseigner que cet architecte ait pu bâtir une maison de dix mille lieues de hauteur. Il était peut-être dans sa nature de n’en bâtir une que de quarante pieds. Ma seule raison ne me dit point encore qu’il n’y ait que cet architecte dans l’espace ; et si un homme me soutenait qu’il y a un grand nombre d’architectes semblables, je ne vois pas comment je pourrais le convaincre du contraire.

La métaphysique est le champ des doutes et le roman de l’âme. Nous savons bien que plus d’un docteur nous a dit des sottises ; mais nous n’avons guère de vérités à substituer à leurs innombrables erreurs. Nous nageons dans l’incertitude ; nous avons très peu d’idées claires, et cela doit être, puisque nous ne sommes que des animaux hauts d’environ cinq pieds et demi, avec un cerveau d’environ quatre pouces cubes. Mon cerveau, monsieur, est le très humble serviteur du vôtre. »

1 Ed. Commentaires historiques qui intitule ce morceau « Réponse à de question métaphysiques » ; ce que Kehl transforme en « à M*** [...] sur des [...] » ( Th. Besterman BK 2685 ; éd. Kehl, LXIII) suivi des autres éditions . Celles-ci , comme Kehl placent la lettre à la mi-août 1776 (et non mi juillet ) ce qui correspond simplement à la date de publication du Commentaire historique . En fait, on suggère une période de quelques années antérieures.

Voir : https://www.monsieurdevoltaire.com/2016/09/correspondance-annee-1776-partie-23.html