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16/11/2010

nécessité indispensable d'avoir justice d'un libelle qui flétrirait ma réputation s'il était impuni

 

Note rédigée le 4 juillet 2011 pour partion le 16 novembre 2010 .

 

 

 

« A Claude-Henri Feydeau de Marville 1

 

Monsieur,

 

Je crois que ce n'est point l'usage qu'on vende publiquement des libelles diffamatoires aux spectacles quand même ces libelles seraient signés du nom d'un avocat 2. Je vous supplie, Monsieur, de vouloir bien faire ordonner que ce scandale qui révolte tous les honnêtes gens, cesse à l'Opéra et à la Comédie . On y vend sur le théâtre le mémoire du nommé Travenol .

 

Ma famille , Monsieur, m'a obligé de faire poursuivre ce Travenol en justice, et il est bon d'ailleurs que les auteurs de ces infamies qui inondent le public sachent que les lois ont décerné des peines contre eux 3. Vous avez eu la bonté, Monsieur, de me promettre que quand je requerrais judiciairement communication des pièces déposées chez le commissaire La Vergée au sujet de cette affaire, vous voudriez bien permettre que l'on m'aidât de ces originaux ou des copies authentiques . Je vous supplie, Monsieur, de trouver bien que je fasse à présent usage de vos bontés . Je ne veux point faire cette démarche sans auparavant vous en avoir demandé la permission . Je vous supplie, Monsieur, de considérer que la nouvelle charge dont le Roi vient de m'honorer 4, et qui m'approche quelquefois de la personne de Sa Majesté, me met dans la nécessité indispensable d'avoir justice d'un libelle qui flétrirait ma réputation s'il était impuni . J'attends de vous, Monsieur, la grâce que je vous demande, et la continuation de vos bontés .

 

J'ai l'honneur d'être avec la reconnaissance et l'attachement le plus inviolable,

Monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur ,

 

Voltaire 

 

A Paris, rue Traversière, mercredi 16 novembre [1746]

 

Je vous supplie de me donner vos ordres par écrit, Monsieur, ou de me faire dire quand je pourrai avoir l'honneur de vous parler .»


1 Sur cette affaire, voir lettres du 17 mai : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/13/homme-qui-fait-des-nouvelles-a-la-main-qui-preche-qui-produi.html

et 3 juillet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/07/03/je-m-en-remets-a-votre-justice-et-a-votre-misericorde.html

Des perquisitions ont confirmé que les libelles de Roy et autres auteurs éataient difffusées par le musicien Louis Travenol . Comme il avait pris la fuite et qu'on n'avait trouvé que son vieux père, celui-ci avait été emprisonné quelques jours en juin .

http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1979-05-0276-042

 

2 Le Mémoire signifié pour Louis Travenol, de l'Académie royale de musique, contre le sieur Arouet de Voltaire, de l'Académie française, de l'avocat Jean-Antoine Rigoley de Juvigny .

3 Maurepas répondit à Marville, le 19, qui lui avait transmis une lettre, que « ce n'est pas en effet la place du débit d'un mémoire. »

4 Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi .

Pour sauver la peau des grands hommes, Il faut la faire corroyer.

http://video.google.com/videoplay?docid=-7588898461606073... : une pause dans notre monde de brutes !

 

tambour-du-garde-champetre-carrieres-sur-seine.jpg

 

 

Oyez !Oyez!

http://www.deezer.com/listen-291423

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

 

A Lille, ce 16 novembre [1743]

 

Est-il vrai que dans votre cour

Vous avez placé cet automne

Dans les meubles de la couronne

La peau de ce fameux tambour

Que Zisca fit de sa personne ?i

 

La peau d'un grand homme enterré

D'ordinaire est bien peu de chose,

Et, malgré son apothéose,

Par les vers il est dévoré.

 

Le seul Zisca fut préservé

Du destin de la tombe noire ;

Grâce à son tambour conservé,

Sa peau dure autant que sa gloire.

 

C'est un sort assez singulier.

Ah ! Chétifs mortels que nous sommes !

Pour sauver la peau des grands hommes,

Il faut la faire corroyer.

Ô mon roi, conservez la vôtre ;

Car le bon Dieu qui vous la fit

Ne saurait vous en faire une autre

Dans laquelle il mît tant d'esprit.

 

Il n'est pas infiniment respectueux de pousser un grand roi de questions ; mais on en usait ainsi avec Salomon, et il faut bien , Sire, que le Salomon du Nord s'accoutume à éclairer son monde.

 

Sa Majesté me permettra donc que j'ose lui demander encore ce que c'est qu'un arc trouvé à Glats ii. Votre Majesté me dira peut-être qu'il faut m'adresser à Jordan ; mais ce Jordan, Sire, est un paresseux, tout aimable qu'il est ; et vous avez plutôt réglé quatre ou cinq provinces, et fait deux cents vers et quatre mille doubles croches, qu'il n'a écrit une lettre.

 

J'arrive à Lille, qui est une ville dans le gout de Berlin, mais où je ne reverrai ni l'opéra ni la copie de Titus iii, Votre majesté, et la reine mère, et Mme la princesse Ulrique ne se remplacent point. Je n'ai pas encore l'armée de trois cent mille homme avec laquelle je devais enlever la princesse, mais en récompense le roi de France en a davantage. On compte actuellement trois cent vingt cinq mille hommes, y compris les invalides : ce sont trois cent mille chiens de chasse qu'on a peine à retenir ; ils jappent, ils crient, ils se débattent, et cassent leurs laisses pour courir sus aux Anglais, et à leurs pesants serviteurs les Hollandais. Toute la nation, en vérité, montre une ardeur incroyable iv. Heureusement encore votre ami de Strasbourg v ne fera plus semblant de commander les armées, et l'empereur, appuyé de Votre Majesté et de la France, pourra bientôt donner des opéras à Munich vi.

 

Comme j'ai osé faire force questions à Votre Majesté, je lui ferai un petit conte, mais c'est en cas qu'elle ne le sache déjà.

 

Il y a quelques mois que Mlle Adélaïde, troisième fille du roi mon maître, ayant treize louis d'or dans sa poche, se releva pendant la nuit, s'habilla toute seule, et sortit de sa chambre. Sa gouvernante s'éveilla, lui demanda où elle allait. Elle lui avoua ingénument qu'elle avait ordonné à un palefrenier de lui tenir deux chevaux prêts pour aller commander l'armée et secourir l'empereur ; mais si elle apprend que Votre Majesté s'en mêle, elle dormira tranquillement désormais.

 

Au moment où j'ai l'honneur d'écrire à Votre Majesté, nos troupes sont en marche pour aller prendre le Vieux-Brisach vii. A l'égard des troupes de comédiens, j'apprends une singulière anecdote dans cette ville de Lille ; c'est que, tandis qu'elle fut assiégée par le duc de Malborough, on y joua la comédie tous les jours, et que les comédiens y gagnèrent cent mille francs. Avouez, Sire, que voilà une nation née pour le plaisir et pour la guerre.

 

Titus prie toujours Votre Majesté pour ce pauvre Courtils qui est à Spandau sans nez viii.

 

Je suis pour jamais aux pieds de Votre Humanité, etc. »

 

i Il s'agit du tambour dit recouvert de la peau de Jan Zizka, héros hussite de la fin du XIVè siècle; Frédéric confirmera, le 4 décembre, l'avoir rapporté de Bohème.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jan_%C5%BDi%C5%BEka

 

ii C'est l'arc de Valasca, ancienne souveraine païenne du comté de Glatz, redoutée pour ses sorcelleries. Le 24 octobre la Spenersche Zeitung signale que le tambour et l'arc sont arrivés à Glatz et portés au cabinet royal de curiosités.

Ici, page 369, il est question de cotte de maille de Valasca : http://books.google.be/books?id=qLl3sOhNChQC&pg=PA369...

 

iii Cf. lettre à Maupertuis du 16 octobre.

 

iv V* parle de la puissance militaire de la France à Frédéric qui en doute, ce qui fait partie de la mission diplomatique que V* veut assumer. Le a décembre, Frédéric répondra : « Vous voilà plus enthousiasmé que jamais de quinze cents gâteux de Français qui se sont placés sur une ile du Rhin et d'où ils n'ont pas le cœur de sortir. »

 

v Broglie qui fut relevé de ses fonctions en juillet 1742 . Cf. lettre à Frédéric du 26 mai 1742 où V* évoque le passage de Frédéric à Strasbourg en 1740 sous le nom de comte du Four.

 

vi Charles VII reprit Munich le 22 novembre.

 

vii Cédé en 1714.

 

viii Ce gentilhomme avait déserté et répondu insolemment à Frédéric-Guillaume qui lui fit couper le nez et les oreilles et envoya à Spandau en 1730. V* raconte l'histoire de ce gentilhomme dans ses Mémoires et demandera sa grâce en octobre 1743. Frédéric consentit à adoucir son sort et finit par gracier Courtils qui ne sortit de Spandau qu'en 1749 cependant.

15/11/2010

la colique , les lettres, les Russes et les arbres prennent tout mon temps

Colique ! petit délire ! ah , qu'en termes galants ces choses-là sont dites :

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Les lettres : inspiration plus romantique , bien que réaliste :

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Les Russes veulent-ils la guerre ? Niet !?

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Les arbres

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« A Jean-Antoine-Noé Polier de Bottens

premier pasteur à Lausanne.i

 

[vers le 15 novembre 1757]

 

Quand je suis voisin du naufrage

Je dois en affrontant l'orage

Penser, vivre et mourir en roi.

 

[Vo]ilà les derniers vers que la lettre du roi de Prusse [m']écrivit avant la bataille ii, il a pensé, il a agi en roi et il n'est pas mort. M. de Correvon iii me demandait ces trois derniers vers. Je lui ai écrit avant de savoir ce qu'il m'ordonnait. Je vous prie, mon cher ami, de lui communiquer ces trois lignes qu'il demande et que la journée du 5 rend si belles. Je n'ai pas un moment à moi dans ma retraite ; la colique , les lettres, les Russes iv et les arbres prennent tout mon temps. On me parle toujours des quatre Russes qu'il faut élever à la brochette v; mais ils sont aussi lents qu'Apraxin vi. Le diable est en Allemagne. La paix soit parmi vous.

 

Vale et ama tuum.

 

V.

 

P.S.- Si vous avez Palavicin vii voyez, je vous prie, s'il dit qu'en 1551 Philippe depuis devenu roi d'Espagne, passa à Trente, que les pères du Concile lui donnèrent un bal, lequel fut ouvert par le cardinal de Mantoue Léges viii. Dansez donc , vous autres pauvres diables. »

 

 

i http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine-No%C3%A9_de_Polier_d...

Auteur entre autres de l'article Messie dans l'Encyclopédie : cf cet article dans : http://sites.univ-provence.fr/pictura/Voltaire/VoltaireGe...

 

ii Le 8 octobre avant la bataille de Rossbach où il fut vainqueur le 5 novembre.

iii Gabriel Seigneux de Correvon qui traduisit Usong, histoire orientale de Albrecht von Haller : http://books.google.fr/books?id=UYhaAAAAQAAJ&printsec...

Il écrivit : Voeux de l'Europe pour la paix : http://www.priceminister.com/offer/buy/79671964/seigneux-...

http://books.google.fr/books?id=VTP5gnTcr6cC&printsec...

Voir « les érudits » : http://www.culturactif.ch/revues/espaceseptembreoctobre20...

Et surtout : Essai sur l'usage, l'abus et les inconvénients de la torture : http://books.google.fr/books?id=pFc7AAAAcAAJ&printsec...

 

iv Son Histoire de Russie.

v « Élever à la brochette » = élever avec beaucoup de soin et d'application (dict. De Trévoux, 1752), la brochette étant un petit bâton utilisé pour donner la becquées aux petits oiseaux ; il s'agit ici sans doute des jeunes Russes dont parle V* dans sa lettre du 7 août à Schouvalov.

viLe maréchal Stepan Fédorovitch Apraksin après avoir battu les Prussiens le 30 août à Gross-Jaegersdorf , n'a pas exploité sa victoire.

vii Sforza Pallavicino auteur de Istoria del consilio di Trento, 1656-1657, page 15, chap. XI.

http://en.wikipedia.org/wiki/Pietro_Sforza_Pallavicino

http://fr.wikipedia.org/wiki/Francesco_Maria_Sforza_Palla...

 

viii Voltaire s'appuie sur les textes de Pallaviciono et Fra Paolo Sarpi pour discuter de ces questions particulières du concile de Trente dans un chapitre ajouté à l'Essai sur les mœurs.

Voir : http://www.voltaire-integral.com/Html/12/06ESS175.html#172