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15/12/2008

plaisir des dieux, plaisir adieu !?

« A Charles –Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

Mon aimable ange gardien, si j’avais eu quelque chose de bon à dire j’aurais écrit à MM. d’Ussé, mais écrire pour dire : j’ai reçu votre lettre, et j’ai l’honneur d’être, et des compliments et du verbiage, ce n’est pas la peine.

Je ne saurais écrire en prose quand je ne suis pas animé par quelque dispute, quelque fait à éclaircir, quelque critique etc. J’aime mieux cent fois écrire en vers, cela est beaucoup plus aisé, comme vous le sentez bien.

Voici donc des vers que je leur griffonne. Qu’ils les lisent, mais qu’ils les brûlent.

Venons à l’épître sur la preuve de l’existence de Dieu par le plaisir .[5ème Discours sur l’homme]. Ne pourrait-on pas y faire une sauce pour faire avaler le tout aux dévots ?

Il est très vrai que le plaisir a quelque chose de divin philosophiquement parlant, mais théologiquement parlant il sera divin d’y renoncer. Avec ce correctif on pourrait faire passer l’épître ; car tout passe. J’ai corrigé encore beaucoup les autres. Un petit mot, s’il vous plait, sur la dernière, sur l’aventure de la Chine [« …je lus hier dans un livre chinois… » : 6ème Discours sur l’homme]. J’aime vos critiques, elles sont fines, elles sont justes, elles m’encouragent. Pousuivez .

Je ne crois avoir fait qu’une action de bon chrétien et non un bon ouvrage dans ce que vous savez [ la pièce L’Envieux donnée à La Marre], et comme il faut que les bonnes œuvres soient secrètes je vous prie de recommander à La Marre le plus profond secret. D’ailleurs qu’il fasse tout ce que vous lui prescrirez. C’est ainsi que j’en userais si j’étais à Paris.

Mme du Chatelet fait mille compliments à l’ange gardien et à cet autre ange Mme d’Argental.

Ce Blaise, c’est ne vous en déplaise, Blaise Pascal mais il faudrait un autre nom. Je vous prie d’engager M. d’Argenson à donner des ordres positifs pour que mes ouvrages n’entrent point en France. Je crains toujours qu’on y ait glissé quelque chose qui troublerait, je ne dis pas mon repos, mais celui d’une personne que je préfère à moi comme de raison.

 

Voltaire

Cirey, le 15 décembre 1738 »

 

« la preuve de l’existence de Dieu par le plaisir », à 44 ans Voltaire a déjà bien travaillé pour accumuler les preuves sur le sujet ; il n’a pas été en retard pour trouver cette réponse par menus et grands plaisirs recherchés dès son adolescence, il faut avouer qu’il est naturellement doué et l’abbé de Chateauneuf, son parrain, n’a pas eu à rougir de son filleul.

« théologiquement parlant il sera divin d’y renoncer » : renonce qui veut, en tout cas , moi je ne veux pas rivaliser avec Dieu ni ses saints ;  que les dévots, grenouilles de bénitiers et punaises de sacristies avalent cette sauce , je reste un homme , pas un ange ( ou alors sérieusement déplumé, à poil(s) en quelque sorte !).

J’envie ce sacré bonhomme philosophe qui fait jouer ses relations de collège, je dirais même qui joue avec ses relations – quelle vérité, quelle  sincérité quand il demande « que mes ouvrages n’entrent point en France . Je crains toujours qu’on y ait glissé quelque chose qui troublerait… » ? Troublant  trublion que ce turbulent’auteur !