05/05/2010
il ne serait point de l’équité du roi de bannir un homme de sa patrie, pour avoir été assassiné
« A René Hérault
Ce 5è mai 1726 à Calais à neuf heures du matin
chez monsieur Dunoquet, trésorier des troupes.
J’arrive à Calais, Monsieur, fort reconnaissant de la permission que j’ai de passer en Angleterre,[« la permission d’aller incessamment en Angleterre » demandée par V* à Maurepas, suite aux coups de bâtons reçus de la part du chevalier de Rohan, et n’ayant pu obtenir réparation par duel, fut mis à la Bastille la nuit du 17 au 18 avril] très respectueusement affligé d’être exilé à cinquante lieues de la cour. D’ailleurs pénétré de vos bontés et comptant toujours sur votre équité.
Je suis obligé, monsieur, de vous dire que je n’irai à Londres que lorsque j’aurai rétabli ma santé assez altérée par les justes chagrins que j’ai eus. Quand même je serais en état de partir, je me donnerais bien garde de le faire en présence d’un exempt,[quand Hérault avait écrit au gouverneur de la Bastille de « faire sortir le sieur Voltaire », il avait précisé que « l’intention du roi et de S. A. Mgr le duc est qu’il soit conduit en Angleterre. Ainsi le sieur Condé l’accompagnera jusqu’à Calais, et le verra embarquer et partir de ce port ».] afin de ne pas donner lieu à mes ennemis de publier que je suis banni du royaume. J’ai la permission et non pas l’ordre d’en sortir. Et je n’ose vous dire qu’il ne serait point de l’équité du roi de bannir un homme de sa patrie, pour avoir été assassiné [Rohan Chabot avait attiré V*dans un traquenard à la porte de l’hôtel de Sully et fait battre à coups de gourdin. Aucun des amis titrés de V* , y compris le duc de Sully qui avait servi d’appât, ne prit ouvertement parti de V* contre un descendant de la grande famille de Rohan.] . Si vous le voulez, monsieur, je vous notifierai mon départ lorsque je pourrai aller en Angleterre. D’ailleurs les ordres du roi qui me sont toujours respectables me deviendront chers quand ils passeront par vos mains. Je vous supplie d’être persuadé du respectueux attachement avec lequel je suis, indépendamment de tout cela, votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire »
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