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13/05/2010

son bonheur doit marcher avant toutes les discussions littéraires





« A Nicolas-Claude Thiriot

13 mai [1738]



Père Mersenne [nom d‘un ami de Descartes, surnom donné à Thiriot ; le 16 mars 1736 : « Si j‘étais Descartes, vous seriez mon père Mersenne. »], je reçois votre lettre du 9 mai. Il faut d’abord parler de notre grande nièce [jeune sœur de Mme Denis, Marie-Elisabeth va se marier avec Nicolas-Joseph de Dompierre de Fontaine], car son bonheur doit marcher avant toutes les discussions littéraires, et l’homme doit aller avec le philosophe et le poète. Ce sera donc du meilleur de mon cœur que je contribuerai à son établissement, et je vais lui assurer les vingt-cinq mille livres que vous demandez. Bien fâché que vous ne vous appeliez pas M. Fontaine car en ce cas je lui assurerais bien davantage.

Sans doute je vais travailler à une édition correcte des Eléments de Neuton, qui ne seront ni pour les dames [comme le Neutonianismo per le dame d’Algarotti] ni pour tout le monde [comme l‘indiquait l‘expression « mis à la portée de tout le monde»  dans l‘édition pirate hollandaise], mais où l’on trouvera de la vérité et de la méthode. Ce n’est point là un livre à parcourir comme un recueil de vers nouveaux. C’est un livre à méditer, et dont un Rousseau ou un Desfontaines ne sont pas plus juges que d’une action d’homme de bien.

A l’égard de ce vous me dites de Mme de Ruffec, je n’y entends rien [on reproche à V* cette expression, dans le troisième Discours sur l‘homme : « Un petit monstre noir peint de rouge et de blanc. » ; V* n'a certainement pas voulu y peindre Mme de Ruffec, dont le premier mari M. de Maisons avait été l‘ami]. C’est pour moi l’apocalypse. Il faut que les hommes soient devenus plus fous encore qu’ils ne l’étaient quand je les ai quittés. Voilà une tracasserie abominable et la plus horrible calomnie ! Madame de Ruffec ? comment ? pourquoi ? Ma foi le mieux est de ne  point relever ces misères qui tombent d’elles-mêmes tôt ou tard, et de vivre tranquille avec ses amis, et ses livres en attendant le mois d’août qui nous amènera notre cher Thiriot.

Je vous ai une obligation infinie de votre exactitude à m’écrire dans ces circonstances. Continuez, mon cher ami.

Je vous recommande, mon cher ami, la boîte d’Hébert [bijoutier; tabatière en or émaillé destinée à Mme du Châtelet ; cf. lettre du 1er mai]. Qu’il l’envoie chez l’abbé Moussinot qui paiera tout ce que vous ordonnerez. »

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