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07/06/2010

je suis une espèce d'enthousiaste qui prend les armes pour la bonne cause.




« Au chevalier François-Jean de Chastellux


7 juin [1777]


J'ai trop tardé, Monsieur, à vous remercier de vos remerciements[il avait remercié V* le 23 mai d'apprécier son ouvrage]. Si le triste état où j'ai été peut me laisser encore de la force et du loisir, je crois qu'avant de mourir je ferai une campagne sous vos drapeaux [en 1776, Chastellux a publié De la félicité publique ; V* en avait fait le compte-rendu le 15 mai 1777 dans le Journal de politique et de littérature, « où l'on donne la préférence à la Félicité publique sur l'Esprit des lois ». Ce commentaire sera proposé à Panckoucke pour l'adoucir. V* fait allusion à son futur Commentaire sur l'Esprit des lois]. Je ne vous sers pas comme font les Suisses à qui il est indifférent de se battre pour l'Allemagne ou pour la France pourvu qu'ils aient une bonne capitulation [ici = convention ou contrat]. Je ne suis pas même un volontaire qui fait une campagne pour son plaisir : je suis une espèce d'enthousiaste qui prend les armes pour la bonne cause.


Il est vrai que je sais pas quel est le chevalier de la Poste du soir qui croit m'avoir abattu de sa lance enchantée [c'est le rédacteur en chef du Journal de Paris, Claude Sixte Sautreau de Marsy, qui, dans le numéro du 19 mai 1777 avait attaqué anonymement le compte-rendu de V* sur l'ouvrage de Chastellux]; il serait bon de savoir à qui on a affaire. Mais quel qu'il soit, si nous étions aux prises je lui ferai voir que son héros [Montesquieu] est un charlatan qui en a imposé au public. Je lui démontrerais que ce charlatan devenu si fameux n'a pas mis une citation dans son ouvrage qui ne soit fausse, ou qui ne dise précisément tout le contraire de ce qu'il avance.


Je prouverais à tous les gens raisonnables que ses raisonnements et ses systèmes sont aussi faux que ses citations ; que des plaisanteries et des peintures brillantes ne sont pas des raisons, et qu'un homme qui n'a regardé la nature humaine que d'un côté ridicule, ne vaut pas celui qui lui fait sentir sa dignité et son bonheur.



Voilà ce qui m'occupe à présent, Monsieur, mais pour remplir mon projet, j'ai besoin d'un long travail qui me mette à portée de citer plus juste que l'auteur de l'Esprit des lois ; et surtout je voudrais savoir quel est le bel esprit de la Poste du soir contre lequel je veux me battre [La Harpe notera qu'il s'agit de Sautreau sur une lettre envoyée par V* le 4 juin].


Serais-ce abuser de vos bontés de vous demander des nouvelles de la noble entreprise du jeune comte de Lally, de faire rendre justice à la mémoire de son père ?


Conservez vos bontés etc. »

 

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