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20/09/2010

Tout ce que je vous dis là est toujours comme tout le reste, soumis à la destinée, qui est fort accoutumée à se jouer de nos projets.

 

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« A Marie-Louise Denis

rue Bergère, vis-à-vis l'hôtel des Menus à Paris

 

20è septembre 1769

 

Ma chère amie,

 

Si Mme d'Erlach vous fait des offres convenables [i] je crois que vous devez les accepter. En ce cas, vous viendriez chez vous [ii] à la fin d'octobre, ou si vous l'aimiez mieux, je viendrais vous prendre à Lyon, et je vous conduirais avec armes et bagages à Toulouse, où les hivers sont très tempérés, et vous reviendriez au printemps dans votre belle habitation.

 

Vous croyez bien que je ne vous proposerais pas Toulouse si je n'étais sûr d'y être très bien reçu. Le parlement y est devenu protecteur des Sirven et ne cherche qu'à expier l'horreur du jugement des Calas [iii]. Je ne sais comment cela s'est fait, mais on compte mon suffrage pour quelque chose dans cette ville [iv]. J'ai mandé que je ferais ce voyage en qualité de malade, et que je ne rendrais aucune visite [v]. Je vivrais comme je vis , dans la plus grande solitude ; à cela près que les souscripteurs qui ont établi le théâtre viendraient me consulter quelquefois. Je leur ferais des chœurs pour orner la fin des tragédies. Ils ont de belles voix, et on a exécuté les chœurs d'Athalie avec beaucoup de succès ; c'est ce que vous pourriez savoir de Lekain qui en revient.[vi]

 

Tout ce que je vous dis là est toujours comme tout le reste, soumis à la destinée, qui est fort accoutumée à se jouer de nos projets.

 

Je doute beaucoup que je puisse profiter des idées de Mme Le Long [vii]. Je pourrais bien me transporter languissant à Toulouse, et y vivre à ma fantaisie. Mais le bruyant de Mme Le Long m'effraierait et ne me conviendrait pas. Le troisième parti qui est de rester où je suis serait peut-être le meilleur ; il n'y a que ces maudites neiges qui s'y opposent. Ma mauvaise santé serait toujours une excuse valable auprès de Mme Le Long, et je serais dispensé de profiter de ses bontés en lui témoignant ma reconnaissance, et en l'assurant que je viendrai dès que je le pourrai. Je prendrais d'ailleurs le prétexte d'aller aux eaux en allant en Languedoc. Quelque chose qui arrive je ne ferai rien sans voir reçu de vos nouvelles, et je vous laisse maîtresse de tout.

 

M. de Bourcet vient de faire tracer l'enceinte de Versoix ; on a fixé le prix de tous les terrains dont on s'empare. La ville sera plus grande et plus belle que Genève. Vous savez que le port avance, et qu'on bâtit une frégate où il y aura du canon. M. le duc de Choiseul réussit dans toutes ses entreprises ; le pays de Gex deviendrait charmant sans ces affreux hivers qui rendent la vie insupportable et qui l'abrègent.

 

J'envoie la première partie [viii] de ce que vous demandez à M. Lefevre [ix].

 

Je vous embrasse bien tendrement. »

 

 

 

 

 

i Mme Denis désire louer la maison qu'elle veut quitter.

ii Ferney, qui a été acquis par V* au nom de Mme Denis et qu'il lui a donné.

iii Le même jour, à l'abbé Audra : « Je partirai probablement dès que je serai certain d'être bien reçu, et de n'avoir rien à craindre des vieux restes du fanatisme » ... « si on rend une justice complète » aux Sirven.

iv Cf. lettre à d'Alembert du 13 janvier 1769 et un passage d'une lettre de l'abbé Audra du 2 novembre 1768.

v Ce qu'il dit ce même jour à l'abbé Audra.

vi Cf. lettre à d'Argental du 16 septembre.

vii Selon le code employé par V* et sa nièce : Mme du Barry.

viii Le 11 septembre elle signala n'avoir reçu que le second tome de l'Histoire du parlement et demanda le premier.

ix Selon le code de V* : Marin.

 

 

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