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25/10/2011

faire sentir à M. de Sireuil l’énormité du danger, les parodies de la Foire, et les torche-culs de Fréron

 A annoter sous peu !

Wait and see !!

L_Annee_Literaire.jpg

Ci-dessus, torche-cul fréronien ...

 

 

"A Nicolas-Claude Thieriot

 

Au château de Prangins, pays de Vaud, le 19 décembre [1754]

 

Me voilà si perclus, mon ancien ami, que je ne peux écrire de ma main . Vous avez donc aussi des rhumatismes, malgré votre régime du lait ?

 

Vous ne sauriez croire avec quelle sensibilité j'entre dans le petit détail que vous me faites de ce que vous appelez votre fortune . On ne s'ouvre ainsi qu'à ceux qu'on aime, et j'ai, depuis environ quarante ans, compté toujours sur votre amitié . Vous devez vivre à Paris gaiement, librement, et philosophiquement .

 

Ces trois adverbes joints font admirablement . Molière, Femmes savantes, III, 11.

 

Mais , certes, vous me contez des choses merveilleuses, en m'apprenant que votre ancien Pollion 1, et l'Orphée aux triples croches, et Ballot-l'imagination, ne vivent plus ni avec Pollion ni avec vous .

 

Le diable se met donc dans toutes les sociétés, depuis les rois jusqu'aux philosophes .

 

Je ne savais pas que vous connussiez M. de Sireuil . Il me paraît par ses lettres un fort galant homme . Je suis persuadé que lorsqu'il s’arrangea avec Royer pour me disséquer, il m'en aurait instruit s'il avait su où me prendre . Il faut que ce soit le meilleur homme du monde ; il a eu la bonté de s'asservir au canevas de son ami Royer ; il fait dire à Jupiter :

 Les Grâces

 Sont sur vos traces ;

 Un tendre amour

Veut du retour .

 Comme le parterre n'est pas tout à fait si bon, il pourrait, pour retour, donner des sifflets . Royer est un profond génie ; il joint l'esprit de Lulli à la science de Rameau, le tout relevé de beaucoup de modestie . C'est dommage que Mme Denis, qui se connait un peu en musique, n'ait pas entendu la sienne ; mais Mme de La Popelinière l'avait entendue autrefois, et il me semble qu'elle n'en avait pas été édifiée . D'honnêtes gens m'ont mandé de Paris qu'on n'achèverait pas la pièce . J'en suis fâché pour messieurs de l'hôtel de ville 2, car voilà les décorations de la terre , du ciel, et des enfers, à tous les diables . M. de Sireuil en sera pour ses vers , Royer pour ses croches, et le prévôt des marchands pour son argent . Pour moi, en qualité de disséqué, j'ai présenté mon cahier de remontrances au musicien et au poète . Il me prend fantaisie de vous en envoyer copie, et de vous prier de faire sentir à M. de Sireuil l’énormité du danger, les parodies de la Foire, et les torche-culs de Fréron . C'est bien malgré moi que je suis obligé de parler encore de vers et de musique :

 

Nunc itaque et versus et caetera ludicra pono . Horace

 

Je bois les eaux minérales de Prangins, en attendant que je puisse prendre les bains d'Aix en Savoie . Tout cela n'est pas l'eau d'Hippocrène .

 

Je vous embrasse de tout mon cœur . Mme Denis vous est bien obligée de votre souvenir ; elle vous fait ses compliments . Quand vous voudrez écrire à votre ancien ami le paralytique, ayez la bonté d'adresser votre lettre à M. Tronchin, banquier à Lyon. »


1 Le financier La Popelinière (ou Pouplinière) , -grand admirateur de la musique baroque, et de Rameau en particulier, « l'Orphée aux triples croches »,- chez qui vit Thieriot .

 

2 C'était alors la ville de Paris qui avait l'administration de l'Opéra .

 

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