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25/03/2012

Lorsque des hommes comme vous élèvent leurs voix pour réprouver tous ces ouvrages que l'ignorance et l'avidité débitent

 

 

 

 

« A MESSIEURS DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE 1

Novembre 1755.

Messieurs, je crois qu'il n'appartient qu'à ceux qui sont, comme vous, à la tête de la littérature, d'adoucir les nouveaux désagréments auxquels les gens de lettres sont exposés depuis quelques années.

Lorsqu'on donne une pièce de théâtre à Paris, si elle a un peu de succès, on la transcrit d'abord aux représentations, et on l'imprime souvent pleine de fautes. Des curieux sont-ils en possession de quelques fragments d'un ouvrage, on se hâte d'ajuster ces fragments comme on peut; on remplit les vides au hasard, on donne hardiment, sous le nom de l'auteur, un livre qui n'est pas le sien. C'est à la fois le voler et le défigurer. C'est ainsi qu'on s'avisa d'imprimer sous mon nom il y a deux ans, sous le titre ridicule d'Histoire universelle 2, deux petits volumes sans suite et sans ordre, qui ne contenaient pas l'histoire d'une ville, et où chaque date était une erreur. Quand on ne peut imprimer l'ouvrage dont on est en possession, on le vend en manuscrit; et j'apprends qu'à présent on débite de cette manière quelques fragments, informes et falsifiés, des mémoires que j'avais amassés dans les archives publiques sur la Guerre de 1741 3. On en use encore ainsi à l'égard d'une plaisanterie 4 faite, il y a plus de trente ans , sur le même sujet qui rendit Chapelain si fameux. Les copies manuscrites qu'on m'en a envoyées de Paris sont de telle nature qu'un homme qui a l'honneur d'être votre confrère, qui sait un peu sa langue, et qui a puisé quelque goût dans votre société et dans vos écrits, ne sera jamais soupçonné d'avoir composé cet ouvrage tel qu'on le débite. On vient de l'imprimer d'une manière non moins ridicule et non moins révoltante.

Ce poème a été d'abord imprimé à Francfort, quoiqu'il soit annoncé de Louvain, et l'on vient d'en donner en Hollande deux éditions qui ne sont pas plus exactes que la première, cet abus de nous attribuer des ouvrages que nous n'avons pas faits, de falsifier ceux que nous avons faits, et de vendre ainsi notre nom, ne peut être détruit que par le décri dans lequel ces œuvres de ténèbres doivent tomber.

C'est à vous, messieurs, et aux Académies formées sur votre modèle, dont j'ai l'honneur d'être associé, que je dois m'adresser. Lorsque des hommes comme vous élèvent leurs voix pour réprouver tous ces ouvrages que l'ignorance et l'avidité débitent, le public, que vous éclairez, est bientôt désabusé.

Je suis avec beaucoup de respect, etc. »

 

1 Cette lettre, dont il n'existe aucune trace dans les archives de l'Académie française, avait été, ainsi que la réponse de M. Duclos, secrétaire de l'Académie, en novembre, mise par les éditeurs de Kehl dans une note de leur préface de la Pucelle.

3 Voir tome XV, l'avertissement de Beuchot placé en tête du Précis du siècle de Louis XV : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411331n/f148.image

4 La Pucelle d'Orléans.

 

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