16/10/2013
On n'entend point, à cent lieues, le petit bruit des louanges, celui des sifflets est perçant, et porte au bout du monde.
... Qu'il me soit permis, ici, d'offrir mes louanges à LoveVoltaire en lui souhaitant un bon cinquième anniversaire pour la création de http://www.monsieurdevoltaire.com/ .
Mon "petit bruit", à cent lieues de vous, grâce au Net devrait porter au bout du monde avant que j'aie eu le temps de dire "bravo et merci" . Nul sifflet, si ce n'est d'admiration, pour vous et Voltaire, surtout pour vous oserais-je avouer .
Coeur d'or , tempérament de feu, comme vous
Mille voeux de longue vie à Monsieur de Voltaire
« A Marie-Anne Fiquet du BOCCAGE.
Aux Délices, 3 septembre[1758] .
En revoyant, madame, mon petit ermitage, mon premier devoir est de vous remercier, vous et M. du Boccage, de l'honneur que vous avez bien voulu faire aux ermites. Je pourrais en concevoir bien de la vanité, je pourrais vous redire ici tout ce que vous avez entendu de Paris jusqu'à Rome mais vous devez être lasse de compliments. Permettez-moi seulement de vous dire que, malgré tous vos talents et tout votre mérite, je vous ai trouvée la femme du monde la plus simple, la plus aisée à vivre, la plus digne d'avoir des amis, quoique vous soyez très-faite pour avoir mieux. Si l'intérêt que j'ai toujours pris, madame, à vos succès et à votre gloire, pouvait me donner quelques droits à votre amitié, j'oserais vous la demander instamment. Il y a grande apparence que je finirai dans la retraite une vieillesse infirme mais ce sera pour moi une grande consolation de pouvoir compter sur la bienveillance d'une personne qui fait tant d'honneur à son siècle et à son sexe. Quel triste siècle, madame et que la disette des talents en tous genres est effrayante ! Je ne vois que des livres sur la guerre, et nous sommes battus partout; que des brochures sur la marine et sur le commerce, et notre commerce et notre marine s'anéantissent ; que de fades raisonneurs qui ont un peu d'esprit, et il n'y a pas un homme de génie. Notre siècle vit sur le crédit du siècle de Louis XIV. On parle, il est vrai, dans les pays étrangers, la langue que les Pascal, les Despréaux, les Bossuet, les Racine, les Molière, ont rendue universelle et c'est dans notre propre langue qu'on dit aujourd'hui dans l'Europe que les Français dégénèrent. S'il y a quelque homme de mérite en France, il est persécuté . Diderot, d'Alembert, n'y trouvent que des ennemis. Helvétius a fait, dit-on, un excellent ouvrage 1, et on s'efforce de le rendre criminel. Il faut, madame, que le petit nombre des sages ne s'expose pas à la méchanceté des fous il faut qu'ils vivent ensemble, et qu'ils fuient le public.
J'ai eu la faiblesse, madame, de laisser sortir de notre petit coin des Alpes cette Femme qui a raison. Si elle avait raison, elle n'aurait pas fait le voyage de Paris, c'est un amusement de société mais vous avez voulu la porter à M. d'Argental. J'ai été trop flatté de vos bontés pour résister à vos ordres mais il faudra que cette bagatelle, qui a servi à nous amuser, reste dans les mains de nos amis. Je suis las du triste métier de paraître en public, cela est pardonnable dans le temps des illusions, et ce temps est passé pour moi. J'aime les Muses pour elles-mêmes, comme Fénelon voulait qu'on aimât Dieu mais je redoute le public. Que revient-il de se commettre avec lui ? de l'embarras, des tracasseries de comédiens, des jalousies d'auteurs, des critiques, des calomnies. On n'entend point, à cent lieues, le petit bruit des louanges, celui des sifflets est perçant, et porte au bout du monde. Pourquoi troubler mon repos, que j'ai cherché, et que j'ai trouvé après tant d'orages ?
Vos bontés pour moi sont plus précieuses sans doute que toute la petite fumée de la vaine gloire dont il n'arrive pas un atome dans mon ermitage, j'y ai vu la vraie gloire, quand je vous y ai possédée je n'en veux pas d'autre.
Tous les habitants de notre retraite se joignent à moi, madame, pour vous dire combien vous êtes aimable. Conservez quelque bonté, je vous en conjure, pour le vieux Suisse Voltaire, à qui vous faites encore aimer la France, et qui est plein pour vous de respect, d'estime, et de tous les sentiments que vous méritez. »
1 De l'Esprit, 1758, in-4°. Le privilège accordé le 12 mai pour l'impression de ce livre avait été révoqué le 10 août. Voir : http://gallica.bnf.fr/dossiers/html/dossiers/Voltaire/D3/Stenger_VF.htm
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