20/10/2013
Le curé était venu l'oindre sur le champ et craignait beaucoup, à ce qu'il m'a dit, que ce ne fut de l'huile perdue parce que le patient ne paraissait pas prendre goût à la cérémonie [extrême onction !]
... Eh oui, il n'y a pas de petites économies dans le bas clergé .
Personnellement je trouve un côté "cautère sur une jambe de bois" à toutes ces simagrées ; un peu d'huile , si sanctifiée fut-elle, permet-elle de glisser entre les griffes du vilain Lucifer et de venir lubrifier les portes du paradis ? J'ai comme un doute existentiel , peut-on faire une bonne sauce avec du saint chrême , où est-ce simplement pour accompagner dignement un bon vieux bouillon de onze heures ?
Pour une belle burette, c'est une belle burette !
« A Pierre-Michel Hennin
Je supplie instamment monsieur Hennin de vouloir bien excuser un malade s'il n'a pas l'honneur d'aller le voir et je le supplie de ne pas oublier l'homme du monde qui a été le plus tôt et le plus sensible à son mérite . Je me flatte qu’avant d'aller sur la tombe du pauvre Patu, il n'oubliera pas le squelette des Délices .
V. »
1 Cette lettre fut rangée par Pierre Hennin dans un dossier portant la mention : « premiers jours de septembre 1758 » . elle était accompagnée des vers suivants écrits de la main de V* sur une carte à jouer :
Tendre et pure amitié dont j'ai senti les charmes,
Tu conduisis mes pas dans ces tristes déserts,
Tu posas cette tombe, et tu gravas ces vers
Que mes yeux arrosaient de larmes .
Au dos de cette carte, Hennin écrivit : « Ces vers sont de M. de Voltaire et de sa main . Il les fit pour être mis par M. H, à la fin de l'épitaphe qu'il se proposait d'élever à la mémoire de son ami Patu à St Jean-de-Maurienne. » [lieu du décès de Patu le 20 août 1757 , à son retour d'Italie].
Avec cette carte s'en trouve une autre portant également une note de la main de V*, en italien : « Venezia, il signor Algarotti ./ a Padua la comtesse Wortley Montaigu ./ a Sienna l'abbate Franquini , governatore./ a Firenze alcuni academici mei buoni fratelli ./ a Roma il cardinale Passionei . » Hennin a noté : « Commissions que M. de Voltaire m'a données de sa main à Genève le 4 septembre .
Le 17 septembre Hennin écrira de Turin à V* : « Arrivé à St Jean de Maurienne, je me suis informé de la fin de mon pauvre Patu . Ses hôtes m'ont dit qu'un instant après être descendu de sa voiture il était tombé en faiblesse et s'était endormi insensiblement du sommeil éternel . Le curé était venu l'oindre sur le champ et craignait beaucoup, à ce qu'il m'a dit, que ce ne fut de l'huile perdue parce que le patient ne paraissait pas prendre goût à la cérémonie ./ […] ces bonnes gens […] l'enterrèrent parmi les nobles à la cathédrale . […]
/ J'ai réfléchi , monsieur, sur l'inscription que vous avez eu la bonté de faire […] outre qu'elle ne parle pas de lui, il me semble qu'on ne peut guère traiter un pays de tristes désert à la barbe de ses habitants . Je joins ici celle que je me propose d'y faire graver si vous l'approuvez . [à la fin de la lettre ]/ A la mémoire de Claude Pierre Patu écuyer / avocat au parlement de Paris / né à Paris le [un blanc] octobre 1729 . / Il eut dans un corps faible/un coeur sensible et généreux / un esprit vif et pénétrant . / Il cultiva la littérature et la poésie / et ses premiers succès/ lui présageaient une grande réputation . Estimé en Angleterre/ applaudi à Rome / chéri dans sa patrie / il mourut à St Jean de Maurienne / dans le cours de ses voyages / le 20 août 1757 . / P.M.H. Son compatriote et son ami / après avoir versé des pleurs sur sa tombe, / y a fait graver cette épitaphe/ le 9 septembre 1758. »
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