21/10/2013
Il faut espérer qu'une paix devenue nécessaire à tout le monde fera cesser enfin le malheur public dont il n'y a guère de particulier qui ne se ressente
... Hors les marchands d'armes, cela va sans dire , en tout temps et en tout lieu .
« A Louise Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
Aux Délices près de Genève
6 septembre [1758]
Madame, dans mon ermitage suisse le cœur pénétré de douleur de n'avoir pu faire ma cour à Votre Altesse Sérénissime, je n'ai point trouvé le baron genevois 1 qui est actuellement dans sa magnifique baronnie. Je suppose, madame, qu'il a consommé entièrement l'affaire en question . S'il y avait quelque difficulté (ce que je ne crois pas ) j'irais le trouver dans son beau château au premier ordre de Votre Altesse Sérénissime et je lui laverais la tête d'importance . Si je m'étais trouvé en Hollande plutôt qu'en Suisse, madame, j'aurais pu donner plus d’étendue à mon zèle, et vous procurer une somme plus forte . Il me semble que le peu qu'on a trouvé à Genève n'est guère digne de vous être offert .
Il faut espérer qu'une paix devenue nécessaire à tout le monde fera cesser enfin le malheur public dont il n'y a guère de particulier qui ne se ressente . Par quelle fatalité, madame, faut-il que toute votre prudence, toute la sagesse de votre administration ait été inutile, et que n'ayant rien à gagner dans ces secousses de l'Europe vous y ayez tant perdu ?
La dernière victoire du roi de Prusse sur les Russes nous apportera-t-elle une paix tant désirée ? Sa gloire sera-t-elle inutile au genre humain ?
Je ne sais pas un mot des affaires dans ma solitude . J'ai ignoré longtemps que ce jeune prince que j'avais eu l'honneur de voir élevé dans votre palais et dont monseigneur était le tuteur , s’était marié, avait eu un fils et était mort 2. J'ignore si la tutelle de l'enfant qu’il a laissé appartient à votre branche, tout ce que je sais c'est que personne au monde ne s'intéresse plus que moi madame à tous les avantages de Votre Altesse Sérénissime . J’ai vu des princes charmants qui doivent remplir toutes vos espérances . La princesse votre fille promettait de ressembler en tout à son auguste mère . Permettez, madame, tant de curiosité . Ces dignes objets de consolation sont présents sans cesse à mon souvenir . Mon cœur est toujours plein de Gotha . Je ne suis qu'un vieux Suisse, mais quand je serais un jeune Parisien, je regretterais votre cour et votre auguste famille et la grande maitresse des cœurs . Agréez madame mon profond respect .
V. »
2 La duchesse répond le 16 septembre 1758 : « La mort du duc de Weimar [Ernest Auguste Constantin, mort le 28mai 1758] nous devait être très indifférente par les mesures qu’il avait prises [...] il avait déclaré d'abord le roi de Danemark et la jeune veuve tuteurs et administrateurs de son pays et de ses enfants, car [...] la duchesse vient encore d'accoucher d'un second prince [Frédéric Ferdinand Constantin , né le 8 septembre 1758]. quelque temps après [...] [il ajoute] un codicille par lequel il rend le roi de Danemark tuteur honoraire et exécuteur [...] , le duc de Brunswick père de la duchesse, administrateur et curateur jusqu'au temps de la majorité de cette princesse, et il exige en même temps de cette dernière de demander d'abord après le décès [...] veniam etatis chose inouïe pour une princesse [...] . La duchesse [...] demande veniam etatis à l'empereur, qui accorde sa prière mais lui adjoint comme tuteur et administrateur le roi de Pologne électeur de Saxe : ce qui fait un préjudice pour toute la maison de Saxe . Car de cette manière l'empereur rejette le testament , le codicille, et met en doute la faculté des princes de pouvoir disposer de la tutelle de leurs enfants et de l'administration de leurs États . »
Veniam etatis : voir page 83 : http://books.google.fr/books?id=GWtGAAAAYAAJ&pg=PA83&lpg=PA83&dq=veniam+etatis&source=bl&ots=xWGSOTuLnO&sig=vRSyCMiA1NPav95oGNartsiPJUo&hl=fr&sa=X&ei=kMplUoqwDdCR0QXu7IC4Dg&ved=0CDEQ6AEwAA#v=onepage&q=veniam%20etatis&f=false
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