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24/12/2013

j'édifie plus que je ne détruis ( je parle d'édifice et non d'édification), et je plante plus que je n'arrache

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Union libre ...

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« A Charles de Brosses, baron de Montfalcon

Aux Délices, 10 décembre 1758 1

J'ai l'honneur, monsieur d'être à vos ordres demain matin à Tournay ; je vous offrirai des œufs et du fromage de Ferney ; j'espère que nous reviendrons coucher à l'ermitage des Délices .

Ne soyez en peine ni de votre château ni de votre forêt ; j'édifie plus que je ne détruis ( je parle d'édifice et non d'édification), et je plante plus que je n'arrache . Mais vous savez qu'un Suisse ne peut être gêné . M. Tronchin s'est bien trouvé de m'avoir laissé la bride sur le cou . Il y a un article qu'il faudra expliquer, c'est celui des troupeaux qui vous resteront à ma mort . Vaches et moutons avec le chien, oui ; mais bœufs et chevaux , non 2. La raison est que j'aurai probablement un haras à Tournay et que les bœufs qui exploiteront la terre seront ceux de Ferney, qui sont au nombre de seize . Je deviens patriarche . Si vous vous fiez à moi, vous y gagnerez , si vous vous défiez, vous y perdrez . Mais vous ne perdrez jamais les sentiments qui m'attachent à vous .

V. »

1 Réponse à la lettre du 27 novembre de de Brosses : « De M. le président de BROSSES

A Montfalcon, le 27 novembre [1758].

Comme notre droit féodal, monsieur, est tant soit peu barbaresque, il ne se déduit pas si bien que la jurisprudence papinienne des principes de la droite raison éternelle et universelle, surtout dans les points où les premières pierres, n'étant pas posées bien droit, les conséquences gauchissent de plus en plus quand le cas devient anomal et singulier comme celui-ci. Il n'y a rien de prévu par la loi pour les ventes à vie, chose très inconnue autrefois et dont l'usage ne s'est introduit que depuis fort peu de temps. La règle générale de notre pays savoyard est que les lods sont dus ex translalione dominii per emptionena. L'usage pour les ventes à réachat, auxquelles les ventes à vie pourraient s'équiparer, est que le lod est dû de la première vente, et non du retrait, parce que, disent les docteurs, est resolulio et distractus, potius quam contractus. Concluez de là que les princes, à qui vous êtes las de faire des libéralités, ne manqueront pas de prétexte pour vous demander, et que vous aurez à leur répondre que vous n'avez rien à leur offrir, puisque ce n'est qu'une vente d'usufruit, où il manque translalio dominii et proprietatis; que, dans le réachat ordinaire, l'aliénation est certaine et le retour incertain, car il n'est que faculté et peut n'avoir jamais lieu, au lieu qu'il est certain et de nécessité dans la vente viagère. Mais à quoi bon laisser matière à contestation ? Il ne faut jamais avoir d'affaire où l'on soit défendeur, c'est le mauvais rôle. Pourquoi ne vous en pas tenir au plan projeté d'un bail apparent suivi d'une vente réelle ? Ne serez-vous pas parfaitement le maître chez vous et sans embarras, quand, deux jours après le bail à ferme, nous passerons un acte de vente où il sera rescindé du consentement de toutes les parties et converti en vente viagère? N'ayez pas peur pour votre acquisition. Je vous puis assurer que vous ne risquez rien. D'ailleurs il ne me serait pas possible d'adopter aucune formule publique qui pût mettre en risque les franchises de ma terre, qui se perdraient par aliénation à un Français; et vous avez à ceci le même intérêt que moi.

Or sus, tant sur cet article-ci que sur beaucoup d'autres, on s'égosille à parler de loin, et l'on ne termine rien. Il faut faire en sorte de nous voir. Nous en dirons plus en une demi-heure qu'en cent pages. J'attends ici, sur la fin de la semaine, un ecclésiastique de mes amis, fort honnête évêque [Courtois de Quincy ; voir page 373 : http://books.google.fr/books?id=oXUTAAAAQAAJ&pg=PA373&lpg=PA373&dq=Courtois+de+Quincy&source=bl&ots=9gDMQYHqj8&sig=qTc5AojWHF9a8aIHFwbOsNe54Bk&hl=fr&sa=X&ei=NTG6Uo7LMaev0QWzxoCIDg&ved=0CE8Q6AEwBw#v=onepage&q=Courtois%20de%20Quincy&f=false

et page 165 : http://books.google.fr/books?id=DD-JW9LnpDEC&pg=PA165&lpg=PA165&dq=Courtois+de+Quincy&source=bl&ots=u6nIbtCbnI&sig=kdSvNsHTEbldT7cMQ6pTBdwcql0&hl=fr&sa=X&ei=NTG6Uo7LMaev0QWzxoCIDg&ved=0CDYQ6AEwAQ#v=onepage&q=Courtois%20de%20Quincy&f=false]. Voulez-vous que j'aille avec lui jusqu'à Belley ? Voulez-vous avoir la bonté d'y venir passer 24 heures ? Nous en ferons l'île de la Conférence; et je m'assure qu'en un moment nous aurons tout réglé et terminé de fort bonne grâce beaucoup mieux probablement que nous ne ferions sur la place même, dans un pays, soit dit entre nous, de grand bavardage. Je serai à Belley au milieu de la semaine prochaine, vers le mardi. Faites-moi l'honneur de m'y écrire sans aucun retard un petit mot à l'évêché pour m'apprendre votre résolution. Vous ne doutez pas de l'empressement extrême que j'aurais de vous voir, de vous embrasser, de finir avec vous une affaire qui nous mettrait encore plus en liaison. De votre côté, vous ne serez pas fâché de faire connaissance avec un voisin homme d'esprit et de beaucoup de mérite . A demain donc les affaires, disait le roi Antigone. Mais. tous les jours de ma vie, elle vous est entièrement dévouée par tous les sentiments imaginables d'estime et d'attachement.

Vous me mettez en colère contre l'ennemi qui a suscité ce maudit Chouet pour semer de l'ivraie dans mon champ admirable, où il n'a jamais crû du blé que pour les élus. L'ivrogne qu'il est n'a donc pas assez de s'enivrer de mon vin, il veut encore s'enivrer de mon blé. »

Voir la correspondance V*/de Brosses : http://books.google.fr/books?id=C6bPerPXMYsC&pg=PA42&lpg=PA42&dq=je+plante+j%27%C3%A9difie&source=bl&ots=bISYG82VCj&sig=KdkHj3lJOygqbCSg84A-MIVyYoc&hl=fr&sa=X&ei=UTO6UtL-M82d0wWJpYDQAQ&ved=0CDEQ6AEwAA#v=onepage&q=je%20plante%20j%27%C3%A9difie&f=false

2 Le lendemain, 11 décembre 1758 ; V* signera le contrat suivant avec de Brosses : « BAIL A VIE DE LA TERRE DE TOURNAY

L'an mil sept cent cinquante-huit, et le onze décembre après midi, par devant le notaire royal au bailliage de Gex, soussigné; et en présence des témoins ci-après nommés, fut présent haut et puissant seigneur messire Charles de Brosses, baron de Montfalcon, président à mortier au parlement de Bourgogne, demeurant à Dijon, lequel a par ces présentes remis à titre de bail à vie, avec promesses de faire jouir, à commencer le vingt-deuxième février prochain, à messire François-Marie Arouet de Voltaire, chevalier, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, demeurant aux Délices-sur -Saint-Jean, ici présent et acceptant : assavoir le château, terre et seigneurie de Tournay, granges, écuries, prés, terres, vignes hautes et basses, bois, la forêt, droits seigneuriaux honorifiques, la dime en dépendant, les censives et droits seigneuriaux dus et relevant du château de Tournay, auquel effet le terrier dudit Tournay lui sera remis ledit jour pour les exiger; pour être par lui rendu à l'expiration de sa jouissance, le troupeau de vaches tel qu'il a été remis au fermier actuel, pour en rendre pareil nombre et valeur suivant l'estimation qui en sera faite par experts; tous les meubles et effets d'agriculture et futailles; comme encore tous les meubles meublants qui sont dans le château; toutes lesquelles choses seront remises ledit jour vingt-deux février prochain audit sieur preneur, qui s'en chargera sur un état et inventaire à double, dans lequel sera spécifiée la quantité de foin et de paille qui se trouveront dans les granges, et aussi la quantité de terres ensemencées, pour être rendu par ledit sieur preneur à la fin de sa jouissance au même état, auquel temps tous les meubles et effets qui se trouveront dans lesdits bâtiments sans exception appartiendront audit seigneur de Brosses en propriété.

M. de Voltaire aura la faculté de faire dans les bâtiments et fonds les changements qui lui conviendront, au moyen de quoi il restera chargé de toutes réparations, tant dans lesdits bâtiments que dans les fonds, et de rendre le tout en bon état. M. de Voltaire aura la pleine jouissance de la forêt de Tournay, et des bois qui SONT SUR PIED et non vendus, de laquelle il usera en bon père de famille sans la détruire; c'est-à-dire en y laissant par chaque pose, l'une portant l'autre, soixante arbres de ceux qui sont sur pied, et elle sera mise en défense pour croître en taillis.

Ce bail fait moyennant la somme de trente-cinq mille livres, qui ont été payées présentement par ledit sieur preneur, en lettres de change sur Lyon, payables la moitié en payement des Saints, et l'autre moitié en payement des Rois, dont ledit seigneur de Brosses tient quitte ledit sieur preneur. Et en outre M. de Voltaire promet et s'oblige de faire dans lesdits bâtiments, granges, fossés, jardins, écuries, en constructions, grosses réparations et améliorations de toute espèce, avenues, chemins, haies autres que celles d'entretien ordinaire, pendant le cours de sa jouissance, soit pour l'utilité, soit pour l'agrément, jusques à concurrence de la somme de douze mille livres, comme faisant ladite somme partie du prix du présent bail, suivant la reconnaissance et estimation par experts, relativement aux livres de dépense dudit sieur preneur, et ledit emploi des douze mille livres ne sera point exigible si ledit sieur preneur venait à décéder dans les trois premières années, et sans répétition néanmoins de ce qui se trouvera fait. Ledit seigneur de Brosses s'engage à ne faire couper aucun arbre dans ladite forêt, à la réserve de huit chênes vendus à un tonnelier de Genève, qui sont encore sur pied, et ce à compter de ce jour.

Le revenu annuel de ladite terre ayant été estimé être de la somme de trois mille cinq cents livres. Tout ce que dessus ainsi convenu entre lesdites parties, qui ont promis l'exécuter respectivement, à peine de tous dépens, dommages et intérêts, obligation de biens.

Fait, lu et prononcé au château de Ferney, en présence de Bernard et Jacques Brillon frères, laboureurs, demeurant audit Ferney, témoins qui ont signé avec les parties, et moi dit notaire.

Signé sur la minute BROSSES, DE VOLTAIRE, Jacques Brillon, Bernard Brillon, et Girod, notaire.

Contrôlé à Gex, le quinzième décembre 1758 reçu quatre-vingt-six livres huit sols. Signé: Rods.

Par expédition audit seigneur de Brosses,

GIROD »

Après le décès de V* :

« Marc Duval, conseiller du roi, lieutenant général au bailliage de Gex, certifions que M. Girod, qui a reçu, expédié et signé l'acte ci-devant, est notaire royal en ce bailliage, et que foi doit y être ajoutée en jugement et dehors. En témoin, nous avons donné les présentes sous le sceau de ce bailliage, de nous signées à Gex, en notre hôtel, ce six juin mil sept cent soixante-dix-huit.

DUVAL »

 

 

 

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