13/05/2014
Le président vient d'avoir à Bâle un procès avec une fille qui voulait être payée d'un enfant qu'il lui a fait . Plût à Dieu que je pusse avoir un tel procès
... Dans notre lignée de présidents de la république à la réputation d'hommes à succès (féminins, car pour le reste ...), je vous laisse trouver duquel il est question en titre . Ou pourrait être ! Porter un casque ne protège pas de tout accident .
Futur gros titre de journal people ou retour vers des faits connus ? Allez savoir !
En tout cas on retrouve ici l'expression d'un grand regret de Voltaire, n'avoir pas eu d'enfant .
« A Frédéric II, roi de Prusse
Aux Délices , le 27 mars 1759
Sire, je reçois la lettre dont Votre Majesté m'honore, écrite le 2 mars de la main de votre secrétaire 1, mon compagnon suisse,signée Fédéric . Il paraît que Votre Majesté n'avait pas encore reçu le petit monument qu'elle a voulu que je dressasse de mes faibles mains à votre adorable sœur . En voici donc une copie que je hasarde encore dans ce paquet ; je le recommande à Dieu, aux housards, et aux curieux qui ouvrent les lettres . Votre paquet que j'ai reçu avec votre lettre contenait votre ode au prince Henri, votre épître à milord Maréchal 2 et votre ode au prince Ferdinand 3. Il y a dans cette ode un certain endroit dont il n'appartient qu'à vous d'être l'auteur . Ce n'est pas assez d'avoir du génie pour écrire ainsi , il faut encore être à la tête de cent cinquante mille hommes .votre Majesté me dit dans sa lettre qu'il paraît que je ne désire que les brimborions dont vous me faites l'honneur de me parler 4.
Il est vrai qu'après plus de vingt ans d'attachement, vous auriez pu ne me pas ôter des marques qui n'ont d'autre prix à mes yeux que celui de la main qui me les avait données . Je ne pourrais même porter ces marques de mon ancien dévouement pour vous pendant la guerre ; mes terres sont en France ; il est vrai qu'elles sont sur la frontière de Suisse ; il est vrai même qu'elles sont entièrement libres et que je ne paye rien à la France ; mais enfin elles y sont situées. J'ai en France soixante mille livres de rente ; mon souverain m'a conservé par un brevet la place de gentilhomme ordinaire de sa chambre . Croyez très fermement que les marques de bonté et de justice que vous voulez me donner ne me toucheraient que parce que je vous ai toujours regardé comme un grand homme . Vous ne m'avez jamais connu .
Je ne vous demande point du tout les bagatelles dont vous croyez que j'ai tant d'envie ; je n'en veux point ; je ne voulais que votre bonté : je vous ai toujours dit vrai quand je vous ai dit que j'aurais voulu mourir auprès de vous .
Votre Majesté me traite comme le monde entier ; elle s'en moque quand elle dit que le président se meurt . Le président vient d'avoir à Bâle un procès avec une fille qui voulait être payée d'un enfant qu'il lui a fait . Plût à Dieu que je pusse avoir un tel procès ; j'en suis un peu loin ; j'ai été très malade, et je suis très vieux ; j'avoue que je suis très riche, très indépendant, très heureux ; mais vous manquez à mon bonheur, et je mourrai bientôt sans vous avoir vu ; vous ne vous en souciez guère, et je tâche de ne m'en point soucier . J'aime vos vers, votre prose, votre esprit , votre philosophie hardie et ferme . Je n'ai pu vivre sans vous, ni avec vous . Je ne parle point au roi, au héros, c'est l'affaire des souverains ; je parle à celui qui m'a enchanté, que j'ai aimé, et contre qui je suis toujours fâché . »
1 Catt .
2« Épître au maréchal Keith sur les vaines terreurs de la mort et les terreurs d'une autre vie »Cette épitre imitée de Lucrèce combat la thèse de la survie de l'âme .Voir : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvresOctavo/10/194/
3 Ode satirique dirigée contre les Français ; sur l'exemplaire qu'avait V*, il nota « Ode du roi de Prusse dans lesquelles il y trois strophes terribles » Voir « Ode au prince Ferdinand de Bronswic sur la retraite des Français en 1758 « : http://books.google.fr/books?id=jc4TAAAAQAAJ&pg=PA115&lpg=PA115&dq=ode+au+prince+ferdinand+fr%C3%A9d%C3%A9ric+II&source=bl&ots=CcL3f-lqN5&sig=Q2mEnYiKt1p63RaI0EKVLUq_sHI&hl=fr&sa=X&ei=qUlyU7T5A_Da0QX6hoG4CA&ved=0CDYQ6AEwAQ#v=onepage&q=ode%20au%20prince%20ferdinand%20fr%C3%A9d%C3%A9ric%20II&f=false
4 Cette lettre est incontestablement une réponse à la lettre du 2 mars 1759 de Frédéric . Or telle qu'elle est connue , il n'y a rien sur les « brimborions » [clé de chambellan et croix] . Elle est donc certainement incomplète dans l'état où elle est conservée ; on peut en juger par l'importante lettre à d'Argental du 6 avril 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/05/est-ce-l-infame-amour-propre-dont-on-ne-se-defait-jamais-bie.html
C'est une des preuves que l'édition de cette lettre par les éditeurs de Kehl et par Koser-Droysen repose, non sur le texte reçu par V*, mais sur quelque minute antérieure à l'état de la lettre envoyée . En revanche il a déjà été question des « brimborions » dans la lettre du 9 février 1759 à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/03/je-vous-regarderai-sire-comme-le-plus-grand-homme-de-l-europ-5313056.html
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