21/08/2015
Il ne faut pas laisser en mourant son ouvrage imparfait
... Mis en ligne le 16/11/2020 pour le 21/8/2015
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
A Tournay par Genève 20 auguste 176[0]
Madame, j'ignore si dans la crise violente où nous sommes les lettres que j'ai eu l'honneur d'écrire à Votre Altesse Sérénissime, lui sont parvenues . Que puis-je dire sur l'incendie des faubourgs de Dresde , sur tant de maisons détruites, et tant de familles périssantes ? Je dis cela ne serait pas arrivé si la branche aînée de Gotha avait conservé ses droits . Tout est révolution , tout est malheur . Votre sagesse vous procure madame des jours tranquilles au milieu de tant de désolations . On m'assure que Votre Altesse Sérénissime a reçu le paquet qu'elle a eu la bonté de faire passer à Mme de Bassevits . Je me jette à vos pieds madame pour obtenir par votre protection les mémoires qu’on m'a promis . J'aime à écrire l'histoire d'un homme qui a fondé des villes dans un temps où nous sommes entourés de destruction . Je suis bien vieux et bien malade, les moments me sont chers . Il ne faut pas laisser en mourant son ouvrage imparfait . C'est à Votre Altesse Sérénissime que j'aurai l'obligation d'avoir achevé ce que j'ai commencé . Ce serait pour moi un bien beau jour que celui où je pourrais venir moi-même mettre à vos pieds l'histoire d'un législateur qui a créé un empire de deux mille lieues, mais j'aimerais mieux vivre dans votre cour que dans cet empire . Toutes les fois que je lis la gazette je dis, on brûle, on égorge à droite et à gauche et on cultive en paix la vertu dans le palais de Gotha .
Grande maîtresse des cœurs, vous êtes un des premiers objets de mes réflexions . Mettez-moi aux pieds de Leurs Altesses Sérénissimes et plaignez-moi de leur présenter de si loin mes profonds respects .
V. »
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