Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/06/2016

Je fuirai ce ton décisif que prennent nos jeunes auteurs, et qui ne me convient pas plus qu’à eux.

... Mais, franchement, ils s'en fichent .

Afficher l'image d'origine

Et il en est qui les encouragent !-)  !  malepeste !p

 

 

« A Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet

A Ferney en Bourgogne , par Genève

30 juin [1761] 1

Mon entreprise, mon cher maître, m’attache de plus en plus au grand Corneille. Je l’aime autant que vous aimez Cicéron ; et plût à Dieu qu’il eût toujours parlé sa langue aussi purement, aussi noblement que Cicéron parlait la sienne ! Vous avez un grand avantage sur moi : Cicéron n’a point fait de mauvais ouvrages, Corneille en a trop fait, je ne dis pas d’indignes de lui, je dis absolument indignes du théâtre. Je suivrai donc votre sage conseil, je ne commenterai aucune de ses comédies, excepté le Menteur, ni aucune des tragédies qui n’ont pu rester au théâtre. Ses beaux ouvrages en seront peut-être plus précieux, quand ils ne paraîtront point avec ceux qui pourraient faire tort à sa gloire.

Vous, mon cher maître, qui partagez avec l’éloquent Pélisson l’honneur d’avoir fait l’Histoire de l’Académie 2 avec autant de sagesse que de vérité, vous êtes plus à portée que personne de m’instruire si Chapelain n’a pas eu a plus grande part au jugement sur le Cid 3, jugement très équitable à mon avis en plusieurs endroits, mais qui, dans d’autres, me paraît, comme au public, un peu trop sévère. Si vous avez quelque anecdote sur le fameux procès, je vous prie de me la communiquer.

Je vous prie surtout d’assurer l’Académie que si elle se plaint de mon insuffisance dans mes notes sur le grand Corneille, elle n’accusera pas mon orgueil. Je fuirai ce ton décisif que prennent nos jeunes auteurs, et qui ne me convient pas plus qu’à eux.

Où pourrai-je trouver la lettre d’un nommé Claveret, qui dit tant de mal du Cid 4? et celle de Balzac 5, qui lui rend tant de justice ? Ne pourriez-vous point demander à M. l’abbé Capperonnier tout ce qu’il a dans la Bibliothèque du roi ? Je le rendrai fidèlement. On a déjà daigné m’envoyer des livres qui ne se trouvent que là, et je les ai rendus aussi bien conditionnés qu’on me les avait prêtés. J’aurai l’honneur d’en écrire à M. Capperonnier ; mais je me flatte qu’étant prévenu par vous, il en sera plus disposé à m’accorder ses secours.

M. de Chammeville 6 doit aimer les lettres, puisqu’il permet que vos paquets passent sous son contre-seing. Je ne doute pas qu’il ne trouve bon que son nom soit imprimé dans la liste des souscripteurs qui serviront à encourager les autres.

On rejouera bientôt Oreste 7. Je vous prierai de me dire si cette pièce sapit antiquitatem 8, et ce que j’y dois corriger pour l’impression. Je ne ferai point tort à l’Electre  de M. Crébillon, et je me ferai un grand honneur de marcher après lui.

Ama me, et Cornelium tuere et Corneliam. 9»

 

1 Toutes les éditions avant Moland placent à tort cette lettre en 1762 .

4 Jean de Claveret : Lettre du sieur Claveret au sieur Corneille, soi-disant auteur du Cid, 1637 . Voir : http://data.bnf.fr/12207433/jean_claveret/

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Claveret

et : pages 7 et suiv. : https://books.google.fr/books?id=EHaUSTTQK2EC&pg=PA9&...

5 Dans sa lettre à Scudéry du 27 août 1637 : voir page 13 : http://www.romanistik.uni-freiburg.de/reiser/psf_querelle_cid.pdf

6 Philibert Thiroux de Chammeville qui avait résigné quelques mois auparavant ses fonctions de fermier général du service des postes ; voir Histoire générale des postes françaises, 1955, Eugène Vaillé .

7 La représentation qui suivit fut celle du 8 juillet 1761 ; voir : https://de.wikipedia.org/wiki/Oreste_%28Voltaire%29

8 Est dans le goût antique .

9 Aime moi et protège Corneille et Cornélie .

 

Les commentaires sont fermés.