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14/12/2016

après avoir fait de si jolies choses quand vous n’aviez rien à faire

... Vous avez fait de si moches autres choses quand vous aviez tout à faire . Beau bilan .

Bravo .

Bis ! Ter !

On en redemande . Encore , encore !

Père Noël exauce nous !

Père Noël normal reviens !

Père Noël, tu es inégalable .Toi seul le croit . Heureusement .

Bon ! j'arrête les mensonges, plus vite que toi .

Alors laisse tes rennes tranquilles et maintenant tire-toi !

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«Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

Aux Délices par Genève 15 décembre [1761]

Vous avez raison, monseigneur, vous avez raison ; il faut absolument que Cassandre soit innocent de l’empoisonnement d’Alexandre, et qu’il soit bien évident qu’il n’a frappé Statira que pour défendre son père : il doit intéresser, et il n’intéresserait pas s’il était coupable de ces crimes qui inspirent l’horreur et le mépris. Je suis de votre avis dans tout ce que vous dites, excepté dans la critique du poignard qu’on jette au nez d’Antigone : ce drôle-là ne le ramassera pas, quelque sot qu’il soit 1. Ce n’est pas un homme  à se tuer pour des filles  et d’ailleurs tant de prêtres, tant de religieuses et d’initiés se mettront entre eux, que je le défierais de se tuer. Je remercie vivement, tendrement, votre éminence Savez-vous bien que j’ai passé la nuit à faire usage de toutes vos remarques ?2 Il me paraît que vous ne vous souciez guère des grands mystères et des initiations. Cela n’est pas bien. Statira religieuse, Cassandre qui se confesse, tout cela me paraît fait pour la multitude. Le spectacle est auguste, et fournit des idées neuves : tout cela nous amusera sur notre petit théâtre. Je voudrais jouer devant votre éminence, recreatus prœsentia 3. Que vous êtes aimable de vous amuser des arts ! vous devez au moins les juger, après avoir fait de si jolies choses quand vous n’aviez rien à faire. Je vois par vos remarques que vous ne nous avez pas tout à fait abandonnés. Mon avis est que vous vous mettiez tout de bon à cultiver vos grands talents. Le cardinal Passionei disait qu’il n’y avait que lui qui eût de l’esprit dans le sacré-collège. Vous n’aviez pas encore le chapeau dans ce temps-là. Je tiens que votre éminence a plus d’esprit et de talent que lui, sans aucune comparaison. Je voudrais savoir si vous faites quelque chose, ou si vous continuez de lire. Je ne demande pas indiscrètement ce que vous faites, mais si vous faites. Le cardinal de Richelieu faisait de la théologie à Luçon. Dieu vous préservera de cette belle occupation. Je voudrais encore savoir si vous êtes heureux, car je veux qu’on le soit malgré les gens. Votre Éminence dira : Voilà un bavard bien curieux ; mais ce n’est pas curiosité, cela m’importe ; je veux absolument qu’on soit heureux dans la retraite.

Vous m’avez permis de vous envoyer dans quelque temps des remarques sur Corneille ; vous en aurez, et je suis persuadé que ce sera un amusement pour vous de corriger, retrancher, ajouter. Vous rendriez un très grand servie aux lettres. Eh ! mon Dieu ! qu’a-t-on de mieux à faire, et quelles sottises de toutes les espèces on fait à Paris ! Je ne reverrai jamais ce Paris ; on y perd son temps, l’esprit s’y dissipe, les idées s’y dispersent : on n’y est point à soi. Je ne suis heureux que depuis que je suis à moi-même : mais je le serais encore davantage, si je pouvais vous faire ma cour. Cependant, je suis bien vieux. Vale, Monseigneur, au pied de la lettre . Gratia, fama, valetudo.4

Mille tendres respects.

V.

On m’a envoyé les Chevaux et les Ânes  : voulez-vous que je les envoie à Votre Éminence ? 5» 

 

1 Cette locution proverbiale signifie à peu près « à d'autres ! ». L'édition Bourgoing ajoute qu'il soit .

2 Dans une lettre du 10 décembre 1761 où Bernis écrit notamment : « Je vous envoie, mon cher confrère, votre ouvrage de six jours . Je crois que quand vous en aurez employé six autres à soigner un peu le style de cette pièce, à mettre en place les premières expressions qui se sont présentées dans le feu de la composition, des expressions plus propres ou moins générales, cet ouvrage sera digne de vous […] je crains un peu pour l'impression que fera au théâtre le rôle de Cassandre . Empoisonneur et assassin, il est encore superstitieux, et ses remords n'intéressent guère, parce qu'ils ne partent que de ses craintes […] Antigone, aussi criminel que Cassandre, a un caractère plus décidé, et qui fait grand tort à l'autre . L'amour d'Olympie peut manquer son effet par le peu d'intérêt qu'on prendra peut-être à son amant . […] Je ne voudrais pas […] que Cassandre se poignardant, jetât le poignard à son rival ; cette action est bien délicate devant un parterre français . Si Antigone ne ramasse pas le poignard, cela rend l'action de Cassandre ridicule ; s'il le ramasse, et veut s'en frapper, on demande pourquoi un homme ambitieux se tue, parce que son rival expire, et lorsqu'en perdant une femme qu'il ne voulait épouser que par ambition il acquiert tous les droits qu'elle réunissait à la succession d'Alexandre ; […] Cette pièce m'est arrivée quand je commençait à être attaqué d'un gros rhume de poitrine, auquel la goutte s'est jointe . Je souffre moins aujourd'hui, et je profite de ce relâche pour vous écrire . On est bien sévère quand on est malade . Je vous dois cependant trois heures délicieuses […]. »

3 ranimé par [votre] présence .

4 Crédit, réputation, santé ; Horace, Épîtres, I, 4, 10 .

5 Ce post scriptum a été écrit dans la marge du bas . Voir lettre du 6 décembre 1761 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/12/07/est-ce-du-vieux-est-ce-du-nouveau-est-ce-du-bon-5883799.html

 

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