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24/08/2017

Il n’y a jamais eu que les grands hommes qui aient fait fleurir les arts. L’impératrice sera regardée comme un grand homme

... En sera-t-il de même de notre épouse présidentielle ?

 En tout cas, Voltaire a vu juste en prévoyant la qualité de Catherine II.

Ne pourrait-on pas, un jour prochain, dire d'un homme de qualité : "il est/fut une grande femme "? 

 

En attendant cet heureux et juste  jour ... les hommes sont encore bien bêtes http://buzzly.fr/portraits-de-femme-qui-ont-fait-change-l...

 

 

« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

A Ferney 25 septembre [1762]

Monsieur, j’ai reçu votre lettre 1 à table, et nous avons tous pris la liberté de boire à la santé de Sa Majesté Impériale, et de lui souhaiter une vie aussi longue et aussi heureuse qu’elle le mérite. M. le duc de Villars, fils de l’illustre maréchal dont le nom a pénétré sans doute dans votre cour, était à la tête de nos buveurs. Nous avions quelques philosophes qui s’intéressent à l’Encyclopédie. Nous avons tous senti les transports que la magnanimité de votre auguste souveraine doit inspirer. Nous vous avons béni, monsieur ; et, sans manquer au respect que nous avons pour Sa Majesté, nous avons joint votre nom au sien, comme on joignait autrefois celui de Mécène à celui d’Auguste.

Je doute que les savants qui ont entrepris l’Encyclopédie puissent profiter des bontés de Sa Majesté Impériale , attendu les engagements qu’ils ont pris en France . Mais sûrement l’offre que Votre Excellence leur fait sera regardée par eux comme la plus digne récompense de leurs travaux, et votre nom sera célébré par eux comme il doit l’être.

Il faut avouer qu’il y a beaucoup d’articles, dans ce dictionnaire utile, qui ne sont pas dignes de MM. d’Alembert et Diderot, parce qu’ils ne sont pas de leur main. Il faudra absolument les refondre dans une seconde édition, et mon avis serait que cette seconde édition se fît dans votre empire. Rien ne serait plus honorable aux lettres , et j’ose dire que la gloire de votre illustre souveraine n’en serait pas diminuée. Il n’y a jamais eu que les grands hommes qui aient fait fleurir les arts. L’impératrice sera regardée comme un grand homme. J’écris fortement à M. Diderot 2 pour lui persuader, s’il est possible, d’achever la première édition sous vos auspices. Votre Excellence a dû recevoir, par la poste de Strasbourg, ma réponse 3 aux nouvelles heureuses dont vous m’avez honoré. Je vous réitère mes hommages, ma reconnaissance, et tous les sentiments que je vous dois. On commencera l’Histoire de Pierre-le-Grand dans peu de mois , on fait fondre de nouveaux caractères.

Il y a déjà six volumes imprimés du Corneille, et il n’est pas possible d’imprimer à la fois deux ouvrages, dont chacun demande la plus grande attention.

Puisse bientôt la paix, rendue à l’Europe, laisser aux esprits la liberté de cultiver les arts, et de vous imiter .

J’ai écrit à M. Boris de Soltikof 4. Je serais bien fâché qu’un homme de son mérite, et d’un mérite formé par vous, ne conservât pas pour moi un peu d’amitié.

Agréez le tendre respect avec lequel je serai toute ma vie, monsieur, de Votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1 Lettre du 20 août 1762 : « Sa Majesté Impériale […] a pensé depuis longtemps aux moyens propres à encourager l'Encyclopédie […] . Elle vient de m’ordonner […] de vous écrire pour savoir de vous, monsieur, si l'on ne pourrait pas en levant tout obstacle le faire imprimer en Russie, soit à Riga, soit dans quelque autre ville de cet empire . Nous ferons venir un libraire de Hollande ou de tel autre endroit que vous jugerez à propos [...] . J'attends votre réponse avec impatience […] . Je viens d’écrire à MM. d'Alembert et Diderot, comme étant chargés principalement de l’exécution de cet ouvrage ; mais je prends toujours recours à vous monsieur en toutes choses […]. »

3 Si V* songe ici à une réponse à la lettre précédente de Schouvalov, du 20 juillet 1762, annonçant la montée de Catherine II sur le trône, cette lettre ne nous est pas parvenue .

4 Cette lettre n'atteignit pas Saltnikov, et par conséquent ne nous est pas parvenue ; Saltnikov annonce à V*  le 30 novembre 1762 qu'il n'a reçu « pas une de [ses] lettres jusqu'à présent ».

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