09/06/2018
Quand on a abdiqué un trône, il faut être sage
... N'est-ce pas Fanfoué-l'écrivain de Tulle ?
« A François Lacombe
[vers le 10 juin 1763]1
Je reçus, avant-hier, monsieur, par madame la duchesse , les Lettres secrètes de la reine Christine 2, dont vous avez bien voulu m’honorer. Je ne suis pas étonné de voir combien l’assassinat de Monaldeschi vous révolte. Vous faites bien de l’honneur aux autres États de dire qu’on aurait puni Christine partout ailleurs qu’en France. Elle l’eût été sans doute dans les pays où les lois règnent ; mais ces pays sont en petit nombre, et Christine eût été impunie à Rome, à Madrid, à Vienne. Je vous serais très obligé, monsieur, de vouloir bien me donner quelques éclaircissements sur l’authenticité de ces lettres 3. J’ai donné quelques lettres de Henri IV très curieuses 4, dans la nouvelle édition de l’essai sur l’Histoire générale. Je les tiens de M. le chevalier de La Motte, qui les a copiées à Andouin sur l’original. J’ignore si les lettres secrètes de Christine sont écrites en italien et traduites en français. Je vois avec peine dans ces lettres les termes de pompons et de calotins , mots que j’ai vu naître dans notre langue 5. Au reste, si ces lettres sont de Christine, elles font peu d’honneur à son jugement. Quand on a abdiqué un trône, il faut être sage ; mais, supposé qu’elle ait eu le malheur d’écrire avec un orgueil si imprudent, ce livre est toujours un monument précieux. Je vous en remercie, et je vous supplie d’éclaircir mes doutes.
J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois,
M.»
1 La date approximative est indiquée par le fait que V* répond à une lettre de Lacombe du 1er juin 1763, au verso de laquelle d'ailleurs figure la présente minute intitulée « répons ».
2 Lettres secrètes de Christine, rein de Suède, aux personnages illustres de son siècle, par François Lacombe, 1761 : https://books.google.fr/books?id=nsYTAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
3 Les doutes de V* sont de bon sens : les lettres de Christine sont apocryphes et écrites par Lacombe qui l'avoue à V* en lui répondant .
4 Voir lettre du 25 juin 1762 à La Motte-Geffrard ( datée du 26 dans l'édition suivante : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-... ) avec note : « Voici deux lettres de M. de Voltaire à M. le ch[evalier] de La Mothe, major du rég[imen]t de Bresse . Celui-ci a fait présent de quarante lettres écrites de la propre main d'Henri IV à Corisande d'Andouin, connue sous le nom de comtesse de Guiche [ou plutôt, de Gramont] . », et voir l'Essai sur les mœurs CLXXIV : https://fr.wikisource.org/wiki/Essai_sur_les_m%C5%93urs/Chapitre_174
5 Calotin est en effet attesté seulement en 1717 au sens de « membre du régiment de la Calote » et ne prend le sens de « clérical » qu'en 1780 . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9giment_de_la_Calotte
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