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24/02/2019

nous lisons, nous imprimons ce qui nous plaît, nous ne demandons point permission de penser à un dominicain, et cela vaut mieux que des oliviers et des orangers

... Ecce homo , ecce Voltaire : Esprit libre .

A l'heure du Salon de l'Agriculture, la description de sa situation paysanne n'est pas sans rappeler certaines doléances actuelles, en exceptant bien entendu toute référence à la PAC .

 

 

« Au marquis Francesco Albergati Capacelli

Senatore di Bologna

à Bologna

14è février 1764, à Ferney 1

Votre ami, monsieur, me fait trop d'honneur, et je suis obligé de vous avouer ma turpitude et ma misère . Le goût de la liberté, le voisinage de la Bourgogne où j'ai quelque bien, la beauté de la situation dont on m'avait fait des éloges très mérités m'ont engagé à bâtir dans le pays que j’habite depuis dix ans ; mais une ceinture de montagnes couvertes de neiges éternelles, gâtent tout ce que la nature a fait pour nous . En vain nous sommes sous le quarante-sixième degré de latitude, les vents sont toujours froids et chargés de particules de glace ; presque aucune plante délicate ne réussit dans ce climat . On est obligé de semer de nouvelle graine de brocoli tous les deux ans ; toutes les belles fleurs dégénèrent ; les vignes quoique plus méridionales que celles de Bourgogne, ne produisent que de mauvais vin . Le froment qu'on sème rend quatre pour un, tout au plus . Les figues n'ont point de saveur ; les oliviers ne peuvent croître ; enfin , nous avons un très bel aspect avec un très mauvais terrain . Mais aussi , nous lisons, nous imprimons ce qui nous plaît, nous ne demandons point permission de penser à un dominicain, et cela vaut mieux que des oliviers et des orangers .

Je vous avoue à la fois ma misère et mon bonheur . Ce bonheur serait parfait si je pouvais jamais embrasser un homme de votre mérite ; ma vieillesse et mes maux me privent d'une si douce espérance, sans m'ôter aucun de mes sentiments .

V. »

1 Le manuscrit original porte mention « f[ran]co Milano » ; l'édition de Kehl, suivie des autres éditions, supprime « nous ne demandons point permission de penser à un dominicain ». Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-7.html

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