21/01/2020
c'est un recueil aussi insipide que si l'on avait imprimé les mémoires de mon tailleur et de mon boucher
... Serait-ce la trêve ou accord commercial entre Macron et Trump ?
Explique-moi ça !
« A Etienne-Noël Damilaville
25 novembre 1764
Mon cher frère,
Les auteurs du Portatif dont la plupart sont à Lausanne, sont un peu étonnés du bruit qu'a fait leur livre , ils ne s'y attendaient pas . Je m'attendais encore moins à en être soupçonné ; mais dès que je fus certain qu'on avait parlé au roi en termes très forts 1 et qu'on avait voulu exciter contre moi jusqu'à l'évêque d'Orléans , je fus obligé d'aller au-devant des coups qu'on me portait . Je me trouvais alors dans des circonstances très épineuses, j'y suis encore ; il s'agit d'obtenir de nouvelles lettres patentes du roi en faveur de la terre de Ferney : vous m'avouerez que le Portatif n'était pas une bonne recommandation . Il eût été inutile de la désavouer à la cour si je n'avais pas fait le même désaveu à la ville ; les deux démarches étaient indispensables . Je savais ce que les Omer avaient dit et il valait certainement mieux aller au-devant de la calomnie que d'attendre pour la réfuter quelque aveu tiré du grand escalier . Ne doutez pas que quelque bigot n'eût proposé mon exclusion de l'Académie .
Enfin mon avis sera toujours qu'on écrase l'infâme et qu'elle ignore la main qui l'écrase .
J'attends toujours des Du Marsais, des Saint-Evremond, des Meslier . J'ai reçu des Énoch 2, cela n'est pas publici saporis 3. Je n'ai point vu les lettres de Jean-Jacques 4, on ne les connait point encore dans notre Suisse . On a aussi imprimé sous mon nom des Lettres secrètes . On dit que c'est M. Robinet qui m'a joué ce beau tour 5. Si les lettres sont secrètes, il ne fallait donc pas les rendre publiques, mais on croit que le secret restera entre M. Robinet et son imprimeur ; on m'a mandé que c'est un recueil aussi insipide que si l'on avait imprimé les mémoires de mon tailleur et de mon boucher . Vous voyez qu'on me regarde comme un homme mort, et qu'on vend tous mes effets à l'encan et que Robinet s'est chargé de mon pot de chambre .
Adieu, mon cher frère, adieu, mon cher philosophe. »
1 Cette affirmation souvent répétée de V* fut considérée avec ironie par d'Argental et d’Alembert qui savaient apparemment à quoi s'en tenir . Elle n'en accréditera pas moins une rumeur dont on retrouve des traces, par exemple, dans une lettre du 5 décembre de milord Maréchal à Rousseau : « On dit que le roi de France en ayant ouï parler, dit : Est-ce qu'on ne peut faire taire cet homme ? », voir page 436 : https://books.google.fr/books?id=X1ZixOxS2M8C&pg=PA436&lpg=PA436&dq=lettre+de+milord+mar%C3%A9chal+%C3%A0+rousseau+5+d%C3%A9cembre+1764&source=bl&ots=VBRvWdJmdF&sig=ACfU3U2zJCAgKb-_Qeq4f7xqU3-qGkGJrg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiL_NqXsJPnAhVRRBoKHST8A10Q6AEwAHoECAIQAQ#v=onepage&q=lettre%20de%20milord%20mar%C3%A9chal%20%C3%A0%20rousseau%205%20d%C3%A9cembre%201764&f=false
2 Nicolas-Antoine Boulanger : Dissertation sur Élie et Énoch . Par l'auteur des Recherches sur l’origine du despotisme oriental et servant de suite à cet ouvrage ( [s. I.J.], dix-huitième siècle [1764]. Voir : https://books.google.fr/books?id=yRpBAAAAcAAJ&pg=PR5&lpg=PR5&dq=Nicolas-Antoine+Boulanger%C2%A0:+Dissertation+sur+%C3%89lie+et+%C3%89noch+.+Par+l%27auteur+des+Recherches+sur+l%E2%80%99origine+du+despotisme+oriental+et+servant+de+suite+%C3%A0+cet+ouvrage&source=bl&ots=QAi4HHoljJ&sig=ACfU3U3h9vyRF5Z6lh-vkGOEOjPbSJU17g&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiBvZ6ps5PnAhWizoUKHaS8DXMQ6AEwCHoECAkQAQ#v=onepage&q=Nicolas-Antoine%20Boulanger%C2%A0%3A%20Dissertation%20sur%20%C3%89lie%20et%20%C3%89noch%20.%20Par%20l'auteur%20des%20Recherches%20sur%20l%E2%80%99origine%20du%20despotisme%20oriental%20et%20servant%20de%20suite%20%C3%A0%20cet%20ouvrage&f=false
3 Du goût du public .
4 Les Lettres écrites de la montagne, 1764 , sont parvenues à Genève quelques jours auparavant ; des exemplaires incomplets avaient été reçus de paris trois semaines plus tôt . Voir : http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/old2/file/rousseau_lettres_de_la_montagne.pdf
5 Voir la lettre du 8 octobre 1764 à Le Clerc de Montmercy : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/11/27/quand-je-mourrai-les-poetes-feront-contre-moi-des-epigrammes-que-les-devots.html
01:32 | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.