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07/06/2020

En conscience il est permis de braire ; Mais c’est pécher de mordre et de ruer

...

 

« A Jean-François Marmontel

A Ferney, 17 Mars [1765]

Mon cher ami, je reconnais votre cœur à la sensibilité que les Calas vous inspirent. Quand j’ai appris le succès, j’ai versé longtemps de ces larmes d’attendrissement et de joie que Mlle Clairon fait répandre. Je la trouve bien heureuse, cette divine Clairon. Non seulement elle est adorée du public, mais encore Fréron se déchaîne, à ce qu’on dit, contre elle 1. Elle obtient toutes les sortes de gloires. L’épigramme qu’on a daigné faire contre ce malheureux est aussi juste que bonne ; elle court le royaume 2. On disait ces jours passés, devant une demoiselle de Lyon, que l’ignorance n’est pas un péché ; elle répondit par ce petit huitain :

On nous écrit que maître Aliboron

Étant requis de faire pénitence :

Est-ce un péché, dit-il, que l’ignorance ? 

Un sien confrère aussitôt lui dit :  Non ;

On peut très bien, malgré l’An littéraire,

Sauver son âme en se faisant huer ;

En conscience il est permis de braire ;

Mais c’est pécher de mordre et de ruer. 

Je trouve maître Aliboron bien honoré qu’on daigne parler de lui ; il ne devait pas s’y attendre. On m’a mandé de Paris qu’il allait être secrétaire des commandements de la reine 3. J’avoue pourtant que je ne le crois pas, quoique la fortune soit assez faite pour les gens de son espèce.

Adieu, mon cher ami ; je vieillis terriblement, je m’affaiblis ; mais l’âge et les maladies n’ont aucun pouvoir sur les sentiments du cœur. Vivez aussi heureux que vous méritez de l’être. Je vous embrasse tendrement. »

3 Fausse nouvelle .

malheureusement parmi nous, l'éloquence, la connaissance des lois, la protection donnée à l'innocence ne fait pas des sénateurs

... C'est vrai .

 

« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont

Vous commencez, monsieur, votre carrière comme Cicéron ; mais malheureusement parmi nous, l'éloquence, la connaissance des lois, la protection donnée à l'innocence ne fait pas des sénateurs et des consuls . Vous n'aurez peut-être que de la gloire, mais vous l'aurez bien pure et bien éclatante .

J'aurai donc l'honneur, puisque vous le permettez, de vous envoyer dans quelques jours le mémoire de Sirven . Vous verrez qu'il est possible qu'on puisse rendre justice à cette famille infortunée, sans qu’elle purge sa contumace, et si on peut lui donner d'autres juges que ses bourreaux .

Je n'ai jamais eu le bonheur de vous voir mais je vous aime comme si je vous avais vu bien souvent ; je vous révère comme vous le méritez, mes sentiments sont au-dessus du très humble et très obéissant serviteur

V. 

17è mars 1765 à Ferney.»